Et si le cumul des mandats était une restriction à la démocratie ?


Lecture 3 min.
arton25836

Après avoir effectué des coupes sèches dans le salaire de ministres, on songe désormais à les priver de leurs indemnités d’élus. Cette fois, c’est la pratique répandue du cumul des responsabilités qui est en cause.

François Hollande avait promis de légiférer

Le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault était, jusqu’à sa nomination à Matignon par François Hollande, député-maire de Nantes. Tout comme Manuel Valls député-maire d’Evry, Jean-Yves Le Drian, Michel Sapin, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Jerôme Cahuzac, etc. Bref le cumul est manifestement une épizootie bien française, caractéristique de la Vème République.

Selon Laurent Bach [[Faut-il abolir le cumul des mandats? Editions Rue d’Ulm, 2012, p. 24.]] cité par le sociologue Eric Kesslassy, « 83% des députés français possèdent un mandat local contre seulement 35% en Suède, 24% en Allemagne, 20% en Allemagne, 7% en Italie, ou encore 3% au Royaume-Uni… »

L’Allemagne ne manque pas cependant d’inspirer Gérard Collomb, le sénateur-maire de Lyon qui convoque, en dépit des promesses de campagne de François Hollande, le modèle d’Outre-Rhin pour défendre la pertinence du cumul.

Pour rester en cohérence avec la charte qui avait été signée par ses ministres, Jean-marc Ayrault avait affirmé sur RTL : « A la fin du mois de juin – ce sera une décision qui sera totalement respectée – il n’y aura pas un seul ministre qui sera chef d’un exécutif local ou même adjoint, président d’une société locale, d’un office HLM. Il pourra rester, s’il le souhaite, simple conseiller. »

Pour le renouvellement et la diversification de la classe politique

Mais voilà, il y a un hic. Les ministres ne constituent que la partie émergée de l’iceberg.

Bien d’élus sont des prête-noms, la réalité de leur pouvoir et de leur mandat est exercée par des directeurs de cabinets, des suppléants, des adjoints. Au point que l’on s’interroge sur l’opportunité de gagner des batailles électorales si le seul usage qu’on veut en faire, c’est d’en transmettre les responsabilités à d’autres.

Enfin ce qui est curieux, c’est que les ministres qui se seront engagés dans la bataille des législatives perdront leur maroquin non pas au cas où ils gagneraient, mais s’ils venaient à être battus. Le président est élu au suffrage universel, séparation des pouvoirs oblige, ses ministres n’ont pas à être l’émanation du peuple, comme dans les systèmes parlementaires.

Se dirige-t-on vers un non cumul de façade, tant il est vrai que les élus qui auront provisoirement abdiqué leurs mandats d’élus pourront les occuper une fois qu’un terme aura été mis à leur mission au gouvernement ? Auquel cas, l’oxygénation, le rafraichissement attendu du corps politique n’aura pas lieu et restera l’apanage d’une caste de professionnels de la politique.

Lire aussi :

 François Hollande : la fin de la Françafrique ?

 Hollande sollicité pour chasser Biya du pouvoir

Avatar photo
LIRE LA BIO
Éric Essono Tsimi est un intellectuel, écrivain et chercheur d'origine camerounaise, reconnu pour ses analyses pointues sur les dynamiques sociopolitiques en Afrique, la francophonie et les questions postcoloniales. Auteur prolifique, il aborde des thématiques variées allant de la critique littéraire à la réflexion sur les identités culturelles africaines dans un monde globalisé. Son travail se distingue par une approche critique des rapports de pouvoir, notamment dans les relations entre l'Afrique et les anciennes puissances coloniales. En tant que chroniqueur et essayiste, Éric Essono Tsimi apporte un regard incisif sur l'actualité, en articulant ses réflexions autour des enjeux de souveraineté, de justice sociale et de mémoire historique. Engagé dans le débat public, il intervient régulièrement dans des conférences, des médias et des publications académiques, contribuant à nourrir la réflexion sur les défis contemporains du continent africain et de ses diasporas.
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News