Eswatini : vers la chute la dernière monarchie absolue d’Afrique ?


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Mswati III (31 oct 21)
Mswati III

Dans la rue, ça gronde depuis des mois en Eswatini. La population, excédée par la misère crasse et l’absence de libertés démocratiques, crie son ras-le-bol. Elle ne veut plus de son roi. Mswati III n’a jamais été aussi impopulaire.

Mswati III régente tout en Eswatini. Les partis politiques sont interdits au Parlement. Les ministres sont nommés par le roi. Il détient des parts dans toutes les grandes entreprises du pays, se taille un salaire annuel astronomique d’environ 52 millions d’euros. Il vit fastueusement, aime les voitures de luxe. D’ailleurs, en 2019, il n’a pas hésité à offrir des BMW et des Rolls Royce à ses quinze épouses. Pendant ce temps, près de 60% de la population du pays végètent. Trop c’est trop, disent les Swazis.

Depuis juin dernier, le pays est agité par de nombreuses manifestations. La population est en quête de démocratie. «Il (le roi, ndlr) ne se soucie pas de nous», confie Jabu Chauca, ouvrière dans une usine de textile. «Il collecte de l’argent seulement pour lui et sa famille». Réaction similaire chez Thandeka Lukhele, une autre ouvrière dans le textile : «Nous avons maintenant besoin d’un nouveau leader. Pas du roi. Peut-être une démocratie, parce que dans une démocratie, nous avons quelque chose à dire si nous n’aimons pas ce qui se passe. Maintenant, nous n’avons pas à dire quoi que ce soit quand nous avons des problèmes. On se contente des ordres du roi».

Dépassé par l’ampleur des mouvements de contestation, les autorités d’Eswatini ont décidé, le jeudi 21 octobre 2021, jour de l’arrivée des médiateurs de la SADC, d’interdire toute manifestation dans le pays. Mais, au sein de la population, la colère ne retombe point. Toutes les couches de la société sont entrées dans le mouvement, des ouvriers aux étudiants et lycéens en passant par les fonctionnaires. Même l’appel au dialogue national par le roi n’est pas accepté par l’opposition et la société civile. «Nous avons, depuis longtemps, perdu espoir dans de tels forums et, en conséquence, nous ne participerons pas à la rencontre», ont-ils fait savoir dans un communiqué.

«Nous ne laisserons pas le roi, qui a du sang sur les mains, poursuit le communiqué, faire la pluie et le beau temps sur comment et quand se tiendra le dialogue. Il ne peut pas y avoir de calme ou de dialogue pacifique tant que les forces de sécurité continuent de tuer et mutiler les gens». 37 morts, c’est le bilan humain dressé depuis le début des manifestations, en juin. À cela s’ajoutent des dizaines de blessés, tous victimes de la répression féroce des forces de l’ordre. Malgré cela, les manifestants ne se laissent pas démonter. Est-ce la fin du pouvoir absolu exercé par Mswati III sur l’ex-Swaziland depuis 1986 ? En tout cas, le peuple swazi semble bien décidé à atteindre son objectif.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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