La France, par le biais de son président François Hollande, va soutenir logistiquement le Mali en cas d’une intervention militaire au Nord-Mali. Une aide qui serait sans doute qualifiée d’ingérence par Thabo Mbeki. A l’occasion de la 6e édition du Sommet Africités, qui se déroule du 4 au 8 décembre à Dakar au Sénégal, l’ex-président sud-africain s’est insurgé contre l’interventionnisme des Occidentaux dans les conflits en Afrique. A l’entendre, les conflits, aggravés par les Occidentaux, seraient un frein au développement du continent noir, trop dépendant selon lui des ressources de l’Occident. Nous avons voulu en savoir plus. Est-ce que l’Occident est un frein au développement de l’Afrique ?
Pourquoi l’Afrique peine-t-elle à se développer alors qu’elle renferme des ressources naturelles rares et très prisées ? Thabo Mbeki condamne l’interventionnisme des Occidentaux dans les conflits en Afrique. Selon l’ex-président sud-africain, les conflits, aggravés par l’Occident, seraient un frein au développement du continent noir.
« Les crises en Côte d’Ivoire et Libye ont fait ressortir une tendance dangereuse des pays occidentaux à penser qu’ils peuvent intervenir à tout moment dans les conflits au sein du continent », déclare-t-il à l’occasion de la 6e édition du Sommet Africités qui se déroule du 4 au 8 décembre à Dakar, la capitale du Sénégal. Les « relations entre l’Afrique et les ex-colonisateurs sont illégales ! Nous dépendons encore beaucoup trop des ressources de l’Occident », déplore-t-il. Avant de conclure : « Nos pays doivent léguer une partie de leur souveraineté à l’Union africaine pour assurer la paix et la sécurité ».
Une Afrique appauvrie par les conflits
Alors, est-ce que l’Occident est un frein au développement de l’Afrique ? « Il est avéré que les conflits ralentissent le développement économique. Les travaux du professeur Paul Collier l’ont largement démontré », indique à Afrik.com Lydie Boka, manager du site internet StrategiCo.fr. « Deux exemples : la Côte d’Ivoire, pendant sa crise post-électorale de 2011, a connu une croissance négative de -5%, tandis que cette année (2012), elle atteindra au moins 8%. Les mutineries de 2011 au Burkina ont couté au moins 1% de croissance de ce pays en quatre mois seulement », ajoute la spécialiste de l’Afrique.
Si c’est prouvé que les conflits détériorent la santé économique d’un pays, est-ce pour autant la faute des Occidentaux si tant de conflits minent l’Afrique ? « Si Thabo Mbeki a été élu président (de l’Afrique du Sud, ndlr) c’est parce que l’Occident a voulu qu’il soit là. Ce qui se passe en ce moment en République Démocratique du Congo (le conflit au Nord-Kivu, ndlr) c’est à cause de l’Occident. L’occident et l’Afrique du Sud n’ont pas soutenu les élections démocratiques en RDC », nous signale Jean-Louis Tshimbalanga, président de l’association Convergence pour l’émergence du Congo.
L’Occident : le banquier de l’Afrique
Ce dernier pense que l’Occident privilégie des hommes forts en Afrique, à l’instar de l’ancien président de la RDC Mobutu Sese Seko ou de l’ex-chef d’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo. Pour ainsi profiter des ressources naturelles du continent noir. Or, la dépendance économique de l’Afrique à l’Occident l’assujettit politiquement et, donc, militairement. « Pourquoi la force de la Cedeao n’est pas déployée (au Nord-Mali, ndlr) ? Car, cette guerre va coûter 200 millions d’euros. Qui va financer ? La France et les Etats-Unis ! », renchérit Lydie Boka.
Tant que l’Occident sera le banquier de l’Afrique, le continent noir devra lui rendre des comptes, et pire, accepté sa main-mise : « Il ne faut pas tout mettre dans le dos des Occidentaux. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, par exemple, si un pays dépend de l’aide extérieure pendant dix ans, et qu’un pays occidental finance ses élections et les observateurs, et après l’élection on ne reconnait pas les résultats, c’est malhonnête », constate la spécialiste de l’Afrique. Et d’ajouter : « Quand on fait appel aux autres, il faut accepter les critiques. Si on ne veut pas de l’Occident, il faut organiser soi-même les élections avec l’aide de l’Union africaine (UA) et celle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ».
Rompre avec la Françafrique
François Hollande s’est exprimé à l’Assemblée nationale sénégalaise, le vendredi 12 octobre. Contrairement à son prédécesseur Nicolas Sarkozy, le nouveau président français a décrété la fin de la Françafrique. Selon lui, la France et les pays africains doivent être traités sur le même pied d’égalité. Pour ce faire, il a préconisé un rapport de coopération d’égal à égal.
Quoi qu’il en soit, l’Afrique a besoin de l’Occident pour se développer. Car, le continent ne dispose pas de technologie et son système d’enseignement n’est pas suffisamment développé. Cependant, l’Occident n’est pas incontournable, nous confie Lydie Boka. « Il faut diversifier les partenariats, se vendre au plus offrant et non exclusivement aux ex-colonies. Mais également, diversifier son économie qui dépend trop souvent des mêmes matières premières, et apprendre à transformer ces matières premières et ne plus les vendre au brut, car l’Europe impose des normes très élevées », préconise la spécialiste de l’Afrique.
L’idée de s’affranchir des ex-colonies plait aussi à Michel Galy, politologue et sociologue. « Les pays africains -anglophones- qui ont pris leur indépendance économique et politique, ont dépassé leurs anciennes colonies », nous fait-il part. « Le Kenya, par exemple, a réussi à résoudre la question post-coloniale sans l’intervention de la Grande-Bretagne », précise-t-il.
L’émergence de nouvelles puissances économiques, comme la Chine, l’Inde et le Brésil, réduit l’hégémonie de l’Occident en Afrique, et offre de nouvelles alternatives au continent noir. Cette concurrence ne peut qu’équilibrer le rapport de force entre l’Afrique et l’Occident. « Même si la Chine exploiterait autant les ressources minières de l’Afrique », prévient Michel Galy, le continent gagnerait en autonomie ne serait-ce que sur le plan des choix de ses partenariats.
Le nouvel ordre mondial pourrait, alors, permettre à l’Afrique de s’affranchir de l’Occident et de poursuivre ainsi son chemin vers le développement. Mais, tant qu’il y aura des conflits, ce développement avancera lentement.