Du 8 au 11 mai 2008 s’est déroulé à Essaouira (Maroc) la huitième édition du Festival musical des Alizés, organisé dans la vieille ville portuaire entourée de remparts qui défient l’Atlantique. Avec comme point culminant le concert du Choeur des Trois Cultures, qui chantait en latin, en arabe et en hébreu. Pour un intense moment d’émotion fraternelle.
Point d’orgue d’une série de concerts exceptionnels, rassemblant virtuoses et jeunes talents, grands chefs et nouvelles voix du chant classique ou choral, le concert du samedi 10 mai à Bab Manzah, la grande scène du Festival des Alizés, n’a pas déçu les très nombreux spectateurs qui avaient pris la salle d’assaut bien avant la représentation…
Le pari était le même que chaque année : montrer la convergence des grandes traditions religieuses et musicales monothéistes, et la proximité de leurs messages d’amour, poésie ou musique. Selon les mots mêmes de Mohammed Ennaji, principal organisateur du Festival, la main de l’artiste « est paix et amour ». « Miraculeux, son lâcher libère les oiseaux messagers de la liberté ». Ou encore, pour reprendre les termes d’André Azoulay, cette année encore parrain du Festival des Alizés, il s’agit de faire de ces quelques jours de musique partagée « un carrefour musical inédit d’échanges croisés qui chantent la paix ».
Autres paris importants pour un Festival musical très largement classique : faire la part belle aux jeunes talents, et ouvrir les concerts, gratuitement, à toute la population souirie. La musique est un moyen de toucher et d’ouvrir tous les coeurs, elle ne doit pas être réservée à une élite, et la création contemporaine est accessible à toutes les oreilles, c’est aussi le message du Festival des Alizés.
D’où, samedi 10 mai à 21h30, un concert profondément émouvant, sous le signe de la mise en musique des textes et poèmes latins, arabes et hébreux. Tout d’abord l’Orchestre national de Lille, placé sous la direction de son Chef Jean-Claude Casadesus, interpréta avec rigueur et émotion le Requiem de Fauré, chanté en latin par le Choeur des Trois Cultures, qui rassemble des chanteurs issus des cultures arabe, chrétienne et hébraïque, avec pour solistes Caroline Casadesus, soprano, et Michel Piquemal, baryton.
Puis le même choeur prêta ses accents bouleversant à une composition du chef d’orchestre Nayer Nagui, « Falsafat Alhayât » sur un texte de Iliya Abû Mâdi, chanté magistralement en soliste par la grande voix Marwa Nagui, soprano. L’enthousiasme de Bab Menzah monta alors d’un cran, et les assauts des Alizés semblèrent se calmer un moment pour respecter l’envol du chant… Enfin troisième miroir de ce jeu où les grande cultures monothéistes se répondaient tout à tour, Alain Huteau avait composé sur des extraits du Cantique des Cantiques, une musique résolument contemporaine mais non moins inspirée et fervente, dans laquelle s’illustrèrent à nouveau Michel Piquemal, à la baguette de chef de choeur, et Hasna Bennani, soprano.
Personne ne regardait l’heure, il était déjà très très tard dans la nuit d’Essaouira, les étoiles illuminaient le vaste miroir de la baie où couraient les rouleaux de la marée montante… Les mouettes ne criaient plus leurs appels lointains. Une forme de triple ferveur se dégageait, avec la force d’une vérité : la paix est d’abord dans la compréhension et l’écoute de la culture d’autrui.
Pour tous les musiciens qui participaient à ce concert-dialogue entre les trois grandes cultures qui irriguent le bassin méditerranéen, cette expérience déborde l’expérience habituelle du travail d’un orchestre : c’est un acte de foi en la musique, comme moyen de dépasser les conflits et de construire des passerelles…
Et il est particulièrement important que ce concert ait lieu régulièrement à Essaouira, ville de tolérance et de dialogue, où depuis l’origine de la ville les trois religions du Livre vivent ensemble et se comprennent l’une l’autre. Longue vie au Festival des Alizés et au Choeur des Trois Cultures!