Cérémonie juste et émouvante, à Paris, ce 26 septembre 2020 au matin, dans le XVIIème arrondissement de la capitale française : autour d’Anne Hidalgo, la Maire de Paris, de nombreuses personnalités représentant les Outre-mers et en particulier la Guadeloupe se sont réunies pour honorer la mémoire de Solitude, héroïne de la lutte des anciens esclaves de Guadeloupe contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte, en 1802.
Trop longtemps, cette épisode de l’histoire de France fut oublié ! Justement aboli par la Première République française le 4 février 1794, par un vote de la Convention nationale, l’esclavage fut honteusement rétabli par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, par une loi inique du 20 mai 1802.
Dix ans de liberté pour les esclaves de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, d’Haïti… Et le rideau noir de la servitude retombait sur eux ! Ombre funeste dans la légende de celui qui allait devenir l’Empereur des Français…
La lutte des esclaves fut intense pour sauvegarder, en même temps que leur liberté, l’honneur de la République, et les valeurs d’égalité, de fraternité, de liberté, dont elle avait été porteuse ! Mais les armes des armées françaises réussirent à faire taire leur combat opiniâtre. C’est de cette lutte que Haïti sort victorieuse, imposant son indépendance au nom même des valeurs de la République.
Les colons de Martinique avaient réussi de leur côté à échapper à l’abolition de l’esclavage… En se ralliant à l’Empire britannique ! Pendant ces dix années, en effet, la Martinique se dispensa d’appliquer la Loi républicaine sous prétexte de résistance… royaliste, complétée par cette trahison et la reconnaissance de l’autorité de Sa Gracieuse Majesté le roi d’Angleterre ! En 1802, le traité d’Amiens restitue la Martinique, Sainte-Lucie et Tobago à la France, mais les colons ont obtenu gain de cause, et très vite l’esclavage est rétabli par le Premier Consul, comme on l’a vu, sur ces territoires.
En Guadeloupe, le combat des esclaves se heurte à la force armée du général Richepanse, qui le rétablit dans les faits de manière illégale, avant que Bonaparte, toujours lui, en prenne acte en juillet 1802…
Honorer Solitude, mûlatresse révolutionnaire et héroïque, exécutée après un séjour en prison, c’est pour la Ville de Paris donner une place à cette mémoire qui a trop longtemps été occultée par l’historiographie officielle !
Honorer Solitude, 19 ans après la Loi du 21 mai 2001, dite Loi Taubira, qui a reconnu l’esclavage comme crime contre l’humanité, c’est aussi se souvenir que des femmes et des hommes d’honneur, les armes à la main, se levèrent contre la forfaiture que constitua en 1802 le rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises. La Maire de Paris, Anne Hidalgo, avec à ses côtés, notamment, la Députée Georges Pau-Langevin, et le Délégué Jacques Martial, en charge des Outre-mers, qui fut le premier Président du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre, a annoncé, dans un discours plein d’émotion, le lancement d’un concours pour la réalisation d’un statue représentant Solitude, et qui prendra place sur ce « Jardin Solitude », au coeur de Paris. Une manière de réconcilier les mémoires et de donner toute sa place à cette haute figure de la lutte contre l’esclavage.
Moment précieux, la cérémonie d’inauguration de ce « Jardin Solitude » se termina par un chant émouvant, venu de Guadeloupe, « Si la mer se déchaîne », dit « Sur l’autre bord », évocation de cette tragédie que fut l’arrachement à l’Afrique des esclaves antillais… Moment souverainement authentique, interprété par l’Ensemble vocal des voix des outre-mer sous la direction artistique du grand Fabrice di Falco : Candide Albardier, Ludivine Turinay, Julie Vizy, Mathieu Ebring, Jokthan Cambium, Stan Paramon, tous lauréats de la première et deuxième édition du concours « Voix des outre-mer » -dont la troisième édition sera lancée à Paris, ce lundi 28 Septembre 2020 à 16h au Théâtre du Châtelet…
Une manière de lancer un pont par dessus les siècles et les générations, et de dire que le combat de Solitude reste d’actualité, dans un monde où, malgré l’abolition définitive de l’esclavage sur tout le territoire français par la seconde République, en 1848, les inégalités demeurent, et où l’histoire garde tout son sens -comme le montrent les campagnes menées, cette année encore, aux Etats-Unis d’Amérique… L’égalité des droits est une chose acquise, mais l’égalité réelle est à reconquérir, toujours et en tous lieux!