Epervier : Sexe, jalousies, règlements de compte, et cetera


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Épêrê est une originale très connue en Afrique centrale. Tenez, l’opération épervier au Tchad, qui était pourtant une opération militaire française, c’est à notre Épêrê nationale qu’on doit ce nom de baptême, sa légende s’est très tôt exportée au-delà de nos frontières. Au pays pourtant, ce qui étonnait a priori à son sujet, c’est qu’elle eût une famille.

Ce qui causait tant l’étonnement est que tout le monde en médisait dans les cercles privés, c’était une mode de la critiquer, sa présence les incommodait tous, mais, une fois à l’ abri des regards, c’est chacun qui lui faisait des enfants. Ceux qui consentaient à prendre une bière avec elle n’allaient jamais plus loin. Parce qu’elle était dépourvue de charme. C’était une sorcière. Sa sorcellerie, son embonpoint, sa loquacité et toutes les méchantes rumeurs entourant sa vie faisaient d’elle un personnage singulier.

Bref, l’histoire d’Épêrê est une fable qui nous apprend que ce n’est pas dans les postures officielles ni d’ailleurs dans les confidences privées que se trouve la vérité. La vérité, chacun la rumine dans son intimité, face a son miroir ou bien, quand cette chose précieuse et intérieure n’a pas encore été érodée, face a sa conscience. Aussi détestable qu’elle fut, Épêrê avait des amants. Ottou, un militaire surnommé One-to-one, a un moment d’ivresse, avait avoué avoir couchaillé avec Épêrê dans un précédent moment d’ivresse. Pour faire bonne figure, il racontait que le matin qui avait suivi ce don de soi digne de la bienveillance des premiers missionnaires et autres volontaires sans frontières, il était tellement dégoûté de lui-même qu’il s’était convaincu que cette expérience l’avait converti a la religion de la fidélité.

Ce que les mauvaises langues retinrent, ce ne fut ni le trop facile dégout qu’il confessait ni sa nouvelle religion, mais sa performance, que l’insatiable Épêrê avait, selon ses propres dires, jugée en ces termes : « Tu fuis ? Ottou, tu ne m’as pas satisfait.» Combler une femme est un exercice bien délicat, mais si avec toute sa superbe, One-to-one n’avait pas pu satisfaire une aussi vilaine créature, c’est qu’il devait être bien moins doué qu’il se plaisait à le dire dans ses moments de lucidité. Peut-on faire la difficile quand on s’appelle Épêrê ? Une femme aussi bêtement laide n’était-elle pas ce qu’il y a de plus facile à contenter sexuellement ? Quoi qu’en disent les habitants de ce pays, si une femme fait aussi souvent des enfants, c’est qu’elle est très régulièrement aimée (ou possédée, ce qui techniquement revient au même).

Bref, la sorcière nationale faisait des enfants. Rébékah était la benjamine d’une maison qui comptait six enfants, cinq filles et un gars. Officiellement, ils avaient un même père, un espion connu sous le nom de code de Mr PND. Hormis les récentes révélations de One-to-One, on ne lui connaissait pas d’amant. Elle avait cohabité avec un curieux étranger aux ambitions inavouées, mais les enfants n’étaient pas les siens. Les enfants étaient venus au monde avant son arrivée, et longtemps après son départ, pour la plus jeune, Rébékah.

Toutes ses filles étaient des ratées à ses yeux. Sauf Rébékah qu’elle aimait particulièrement. Rébékah et son fils Beyala. Elle ne tarissait pas d’éloges sur le talent multiforme de ce dernier. Il exerçait le métier de journaliste. Journaliste est le mot qu’elle utilisait pour désigner le camelot. Beyala était un analphabète heureux, un débrouillard infatigable, plusieurs choses à la fois, mais surtout un simple d’esprit. Le monsieur catastrophe de la capitale. Sur haute recommandation du Général Hamadjan, il avait été enrôlé dans les rangs de l’armée, pour servir son pays dans le différend frontalier qui opposait, depuis plusieurs années, le Cameroun et le Nigeria au sujet d’une malheureuse portion de pétrodollars. Quand il était allé tout heureux à la guerre, on avait commencé à l’appeler Bakassi, du nom de la presqu’île qui faisait tant de morts. On mit en garde ceux qui l’engageaient contre la poisse qu’il avait dans le sang, personne n’y accorda un crédit quelconque. Tout ce qu’il touchait, disaient les uns, connaissait une fin malheureuse. Dans ce cas, répliquaient les autres, il n’aura qu’à toucher l’ennemi.

Mais ils avaient dû bientôt se rendre à l’évidence. Déjà dans l’hélicoptère qui le transportait, les Nigérians avaient commencé à tirer. Comme s’ils avaient eu quelque compte personnel à régler avec cet avion-là précisément! Fort heureusement l’aviateur, qui avait du métier, avait réussi à atterrir sans grand dommage. Un réservoir à carburant avait été touché et avait explosé dès que la dernière personne, Beyala, était descendue de l’hélico. On l’avait affecté ensuite dans l’unité chargée de canonner les retranchements nigérians. Il devait assister tout bêtement le tireur-pointeur. Nul ne sut jamais ce qu’il manipula, mais il y eut, par sa faute, plusieurs explosions dans son propre camp. Les ennemis en profitèrent pour les assaillir. Toutes les balles semblaient se diriger contre le pauvre Beyala qui s’en sortit néanmoins sain et sauf. Le sergent-chef, jugeant que Beyala pouvait devenir plus dangereux que l’ennemi, lui avait demandé à quoi d’autre il pouvait servir. Il avait répondu sans hésiter qu’il était un parfait cordon-bleu. Ça tombait bien le chef était malade. Il s’était mis immédiatement à la tâche. À ce qu’on dit, sa sauce était exquise, sauf qu’il y manquait du sel. On le lui avait dit pendant qu’il la touillait encore, et pour achever en beauté son plat, il y avait versé par mégarde un sac entier, en essayant d’en faire sortir quelques grains. Ce jour-là les soldats affamés et blessés s’étaient contentés d’un riz en poto-poto. Sa carrière s’était achevée là. On l’avait remercié sans façon. Au Quartier, tout le monde fut néanmoins fier de lui, c’était un ancien combattant !

Bref, telle était, à vingt et un an, la vie de celui qui fit même une courte carrière dans la boxe amateur. Il avait gagné son premier combat par k.-o mortel au second round. Très vite les langues de vipère avaient répandu le bruit que sa mère mangeait d’abord tous ses adversaires la nuit. Lui, il ne faisait que les achever. L’homme aux coups de poings mortels ne fit plus jamais rien. N’empêche que la malchance était à ses trousses.

À vingt-quatre ans, il se disait que Beyala était toujours un puceau. N’avait jamais connu l’ombre d’un intérieur de femme. Ce qui rendait sa mère vraiment malheureuse. Ses filles étaient pourtant d’ardentes fornicatrices. Un jour enfin. Coup de théâtre. Il frappa un grand coup. Une fille belle, riche et intelligente. Le Quartier était baba. Qu’on se méfie de l’eau qui dort! La fille du General était amoureuse de lui. Il amena sa conquête dans la maison familiale. Tapis rouge. Toutes les petites économies mises à contribution. Sa mère aurait tout fait pour les mettre à l’aise. Elle lui offrit même d’occuper sa propre chambre qui était cimentée et la plus propre. Comme de juste, cet amour faisait des jaloux. Qui informèrent la femme du General. Quoi ! Ma fille chez cette mauvaise femme ? Avec ce cancre ? Je m’en vais leur dire deux mots. Elle se pointa dans la modeste demeure, bouillonnante.

A suivre…

Vous croyez tout savoir, mais en fait on ne vous a jamais rien dit. Ici comme ailleurs, tout est politique ou est susceptible de le devenir. Vous n’en reviendrez pas de la vraie histoire de l’opération épervier. Dans une semaine donc, les clés de cette affaire vous seront remises, en raison de votre patience et de votre fidélité, bref tout simplement parce que vous méritez de savoir.

Les autres épisodes sont disponibles ici :

 Epervier : l’histoire de la femme qui donna son nom a une opération de lutte contre la corruption

 Epervier : aux origines de l’opération, une affaire de sorcellerie

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