Environnement : attention dommages


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Drapeau du Tchad
Drapeau du Tchad

Pas de plans d’évacuation. Des décisions prises sur la base d’expertises complaisantes. Des omissions troublantes. En dépit des avancées considérables réalisées dans les domaines de la protection de l’environnement, l’oléoduc Tchad-Cameroun reste un projet à haut risque.

Les fuites de l’oléoduc, la contamination des eaux souterraines et la pollution des eaux douces et de la mer seront des dangers permanents. Le pétrole brut contient de nombreux métaux lourds et hydrocarbures toxiques qui, en cas de fuite, pollueraient les eaux utilisées par les populations locales pour leur besoins domestiques. Riche d’une diversité biologique, de pêcheries artisanales qui fournissent des protéines aux habitants, le littoral de Kribi est également exposé à un risque de pollution, indique une étude de l’université de Warwick (Grande-Bretagne), datant de l’année dernière.

Dans la même étude, on estime à près d’un milliard de dollars Us la valeur des ressources renouvelables qui seraient menacés en cas de pollution (soit 104 dollars/habitants) alors que les bénéfices du projet sont estimés à 4 dollars/habitant durant les trente ans que durera l’exploitation. Les risques d’un désastre écologique sont d’autant plus certains que le choix d’un tanker à coque unique pour le terminal flottant de stockage et de déchargement a été retenu par les porteurs du projet. Une telle option n’est pas sans crainte. On se rappelle l’accident de l’Exxon Valdez qui a saccagé les côtes de l’Alaska, et plus récemment la catastrophe de l’Erika au large des côtes vendéennes. Ces dommages impliquent des navires à coque unique.

Absence de plan d’intervention en cas de fuite

La version actuelle du projet, dite PAD (Petroleum development and pipe-line projectal, Projectal appraisal document), prévoit le financement de deux réserves protégées à hauteur d’environ 3 millions de dollars US. Grâce à la mobilisation des ONG, le tracé de l’oléoduc a été modifié pour éviter la grande forêt de Deng-Deng dans le centre du Cameroun. Prix du crochet : 12 millions de dollars US. Selon, le dernier rapport de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), des précautions considérables ont été prises pour limiter les fuites : vannes tous les 30 kilomètres, capteurs de haute précision pour enregistrer les variations de pression, construction du pipe-line selon les standards occidentaux, surveillance terrestre et aérienne. Le projet prévoit aussi de réinjecter l’eau contaminée par le pompage du pétrole en grande profondeur pour éviter de contaminer les nappes qui alimentent le lac Tchad et la rivière Logone.

En revanche, selon la fondation américaine Environmental defense fund, il n’y a, jusque là, aucune analyse sur les trajectoires des nappes en cas de fuite, ni de plan d’intervention spécifique. Un bureau d’études indépendant néerlandais qui a fourni une étude comparable laisse entendre un même son de cloche, en insistant sur les « nombreuses insuffisances et notamment de graves lacunes dans le plan d’urgence en cas de pollution du littoral ».

Si elles venaient à être confirmées, de telles informations constitueraient une violation flagrante des principes élémentaires de protection de l’environnement édictés par la Banque mondiale elle-même. La menace n’est pas à prendre à la légère si l’on prête une oreille attentive à un spécialiste du pipe-line, cité par le député Yorongar dans l’Autre Afrique n°31 : « La capacité de détection des fuites par les systèmes des plus sophistiqués laisseraient tout de même échapper environ 10.000 litres de pétrole par jour sans être détectés ».

Déplacement de populations autochtones

Sur une population de 6200 familles recensées sur le site du projet, c’est un nombre faible qui pourrait être déplacé, « probablement entre 60 et 150 à la suite de la perte de terrains de culture » notent les experts de Dames and Moore, le bureau d’étude américain qui a réalisé l’étude d’impact environnemental du projet pétrolier Tchad-Cameroun. Alors que Michel Rocard parle de 37 personnes (lire interview). Selon la FIDH, 26 familles ont d’ores et déjà été déplacées. Soit 185 personnes. La compagnie Esso leur a ménagé un habitat jugé convenable, mais le système d’indemnisation prévu par la compagnie ne permettra pas aux intéressés de retrouver leur niveau de vie antérieur… en dépit des engagement pris.

De son côté, le député Yorongar prévoit entre 80.000 à 100.000 le nombre des personnes à déguerpir. Mille huit cent hectares de terres agricoles de savane et de brousse seront affectés par le projet, indiquent les des experts, tout en précisant que « l’impact sur l’environnement sera atténué ».

Les experts du bureau d’étude américain Dames and Moore se sont livrés à un exercice laborieux consistant à minimiser considérablement l’impact écologique du projet. Les mêmes experts reconnaissent toutefois, dans leur étude datée de 1997 : « La coupe et le défrichement de la savane boisée pour la préparation des sites durant la construction des plates-formes des puits, des stations de collecte, de l’oléoduc et autres infrastructures liées à ces installations peuvent avoir une influence négative sur les sols en enlevant le couvert végétal et en exposant le sol plus directement à des pluies et des vents plus violents ».

Au lieu de fournir des éléments concrets pour étayer la thèse d’un faible impact environnemental, le rapport s’étend longuement sur les conséquences sociales – positives- du projet en cas de mise en oeuvre : création de deux à trois mille emplois ; un total des salaires payés à des travailleurs tchadiens « d’environ 16 millions de dollars » et « l’augmentation des revenus d’une grande partie de la population ».

Doba-Kribi : un pipe-line qui cache une forêt de tuyaux

Dans la sous-préfecture de Bébédja et aux alentours, il y aura, selon le député fédéraliste Yorongar, un maillage d’environ 3000 tuyauteries pour évacuer le pétrole brut des puits vers les trois stations de Komé, Miandoum et Bolobo. Sur ce champ, « on n’a pas encore une étude d’impact environnemental, on parle uniquement de l’étude d’impact sur le tracé Doba-Kribi » clame M. Yorongar, député fédéraliste farouchement opposé à l’exploitation du pétrole dans les conditions actuelles.

L’Etude de Dames and Moore est-elle fiable ?

Le bureau d’étude Dames and Moore est très connu aux Etats-Unis pour compter parmi ses principaux clients la compagnie Exxon. « Il s’agit d’une étude très complaisante, émanant du consortium en aucun cas une étude indépendante », estime Korina Horta, de la Environmental Defense fund. Nombre d’acteurs du projet doutent de la fiabilité de ce bureau d’études dont les affinités et autres convergences d’intérêts avec Esso et la Banque Mondiale sont un secret de polichinelle. Une ultime mouture intitulée « Projet d’exportation tchadien » (Etude d’impact environnemental et plans de gestion) a été publiée en octobre 1999. Elle a été commandée par Exxon.

Les problèmes liés à la surveillance environnementale, risques d’intimidations sur les personnes

Les différentes structures, Comité de surveillance inclus (structure regroupant les représentants de chacune des parties concernées y compris les ONG et des représentants de la société civile) chargées de veiller au bon déroulement du projet, ne contiennent pas de plans spécifiques de surveillance de l’environnement. Un Plan de gestion de l’environnement (PGE) est bel et bien au programme. Mais il est confié aux seuls gouvernements tchadiens et camerounais. Au Tchad les campagnes de consultations ont été réalisées en présence de la Garde Républicaine qui terrorise la population du Sud. Difficile dans ces conditions d’imaginer un contre pouvoir capable de faire entendre sa voix auprès des représentants politiques.

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