Trouvé dans sa maison située à Kairaba Avenue, au quartier Pipeline, non loin de Banjul, ce mardi 28 décembre 2021, vers 21h15 GMT, Ousainu Darboe discute sereinement. L’homme, qui a récemment subi une intervention chirurgicale mineure à la jambe, est en pleine rééducation. Assis sur une chaise en plastique de couleur marron, l’opposant gambien, d’une modestie sans précédent, décortique tranquillement des arachides, en compagnie de membres de sa famille et de quelques proches collaborateurs. C’est dans ce contexte qu’il a abordé avec AFRIK.COM la question du rejet de son recours en annulation du scrutin du 4 décembre.
Entretien exclusif de notre Envoyé spécial en Gambie
La Cour Suprême vient de rejeter votre recours en annulation des résultats de la Présidentielle du 4 décembre donnant Adama Barro vainqueur. Quel sentiment vous anime ?
Je suis surpris par cette décision, parce que quand un citoyen saisit la justice de son pays, c’est pour un arbitrage sur une question de position. Ce qui permet de savoir où se situe la vérité. Pour ce cas précis, la Cour a été saisie pour dire le droit sur les résultats de l’élection présidentielle. Malheureusement, le tribunal refuse d’arbitrer. La Cour n’a pas voulu ouvrir le dossier. Et cela m’a beaucoup surpris. Mais nous n’allons pas pour autant reculer.
Nous avons été voir le président de la Cour Suprême pour déposer un recours. Nous nous sommes acquittés de la caution de 300 000 dalasis pour que notre requête soit acceptée. Le tribunal a reçu cette somme que nous avons versée et était censé étudier notre dossier de recours en annulation des résultats de cette élection. Et même l’avocat de Barro a été tenu informé de notre requête. Mais la Cour a rejeté notre requête pour un vice de procédure, prétextant que Adama Barro n’avait pas été informé du dépôt de la caution.
Hors, ce que nous savons est que celui qui veut informer un individu, dès l’instant qu’il passe par l’avocat de la partie adverse, a accompli son devoir. Raison pour laquelle la décision de la Cour Suprême nous a beaucoup surpris. La Cour Suprême, qui représente le dernier rempart de la justice de ce pays, si elle ferme les portes et refuse d’arbitrer, nous ne pouvons qu’être surpris.
Comment vous et vos partisans considérez-vous cette décision de la Cour Suprême gambienne ?
Ce qui s’est passé aujourd’hui est un recul démocratique. Le tribunal a refusé d’arbitrer, de dire le droit. Mais comme je l’ai dit tantôt, nous n’allons pas baisser les bras. Nous allons faire usage de tous nos droits pour rétablir la vérité s’agissant de cette élection.
Comptez-vous saisir la Cour de Justice de la CEDEAO après la décision de la Cour Suprême ?
Pour l’instant, nous n’avons pris aucune décision dans ce sens. Il nous faudra au préalable nous rapprocher de nos avocats. S’ils nous donnent le feu-vert, nous allons alors saisir la Cour de Justice de la CEDEAO. Il se peut que nous le fassions. Je veux juste clarifier les choses : notre combat n’est pas uniquement pour l’UDP ni pour Oussainu Darboe, mais pour tout le pays. Pour tout le peuple gambien. Car il est important que le peuple ait confiance en notre justice. Ce système doit pouvoir inspirer confiance. Nous ne voulons pas de ce genre de système. Si jamais nous saisissons la Cour de Justice de la CEDEAO, ce sera pour rendre service aux partis politiques actuels et ceux à venir.
Nourrissez-vous des craintes pour la démocratie en Gambie ?
Bien sûr que j’ai peur pour la démocratie en Gambie. En tant qu’avocat, j’ai confiance en la justice du pays, de même que mes sympathisants. Mais ce qui s’est passé aujourd’hui est un mauvais signal pour la démocratie. Et si on laisse passer, ce sera signer la mort de la démocratie dans ce pays. Et si tel est le cas, on peut dès lors considérer que désormais, toutes les élections qui auront lieu ici en Gambie, même dans dix ans, ne seront pas des élections crédibles.
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