Lhomé s’est confié à AFRIK, à l’occasion de la sortie de son nouvel album « Miracle(s) ». Dans cet entretien, l’artiste aux multiples facettes revient sur son dernier projet, sa passion pour la musique et ses perspectives d’avenir. Ci-dessous la substance de notre échange exclusif avec lui.
Entretien
Pouvez-vous revenir sur vos débuts ?
J’ai commencé à écrire dès tout petit. Dès que j’ai su lire, j’ai eu envie d’exprimer ce qu’on pourrait appeler une part de poésie. C’est l’écriture qui a guidé ma vie, mon enfance, mon adolescence. J’ai toujours aimé les mots. Puis les grands de mon quartier, alors que j’avais 13 ans, nous ont ramené des cassettes volées dans des boutiques à Paris, de Rap. Avec quelques potes et mon frère, on monte Slave farm, mon premier groupe avec lequel je sors 2 album et tourne énormément, entre 2003 et 2009. Une superbe aventure qui, malheureusement, ne survivra pas au cambriolage de notre Studio d’enregistrement. En effet, le groupe se retrouve comme « décapité », nos besoins financiers et nos vies personnelles prennent un gros coup. On se sépare et je me lance en solo, en 2012. Je refonde une équipe artistique et me lance dans une aventure musicale qui me conduis à, aujourd’hui, plus d’une décennie plus tard, avec 3 albums et 3 Ep sous le bras.
Quand et comment votre intérêt pour la musique s’est-il confirmé ?
Mes premiers vrais pas dans la musique sont hyper tardifs car j’ai d’abord baigné dans l’écoute, le kiff. Avant de ressentir le désir de « faire de la musique », de faire du Rap, j’ai totalement plongé dans la découverte et l’écoute de musiques d’ailleurs ou d’hier, grâce aux emprunts de Cd dans une médiathèque. J’avais alors 20 ans, je suis à la Fac, et emprunte des musiques de Goran Bregovic, Jevetta Steele, Fela Kuti, Miriam Makeba, Farid Al Atrash… Je recherche une émotion universelle à mettre dans le Rap, une poétique.
Que représente la musique pour vous ?
Une langue universelle, si je devais répondre de manière concise. Une vibration des cordes de l’âme. La musique est pour moi une arme, au sens d’une puissance millénaire qui naît des hommes et pour autant les dépasse, les alimente et les fais grandir, en même temps.
Miracle(s) est une oasis dans un désert de produits marketings sans saveurs.
Comment jugez-vous votre récent album « Miracle(s)
Je trouve cette question vraiment pas commode. C’est comme si on me demandait de juger un de mes enfants. Alors, je me prête à cet exercice, en vous disant que c’est un disque qui n’est pas pour chacun. Il faut avoir un esprit ouvert et un cœur universel pour se laisser embarquer dans Miracle(s). Sans doute aussi un grand respect pour la vie. C’est un album qui a un champ lexical très humaniste, même si la couleur musicale est hyper actuelle, ce que je fais c ‘est du Lhomé, alors je dirai qu’il faut s’arrêter, pour écouter… Dans le speed, on attrape juste des bribes du Miracle(s).
Or, je vois tout autour de nous des cœurs et des esprits dévolus à la haine de l’autre, au rejet, à la destruction, au pillage de toute chose, et au besoin de tirer toujours profit de quelque chose ou de quelqu’un. Il suffit de voir l’actualité. Les égos démesurés, les gens qui se croient tout permis qu’ils portent un insigne, qu’ils soient influenceurs, chroniqueurs ou tout simplement derrière leur écran… Alors Miracle(s) est vrai beau disc, une oasis dans un désert de produits marketings sans saveurs.
De quels succès êtes-vous le plus fier, depuis le début de votre carrière ?
D’être encore inspiré, albums après albums et d’enrichir ma plume, alors que je mène de véritables combats, inégaux et épuisants pour autoproduire ma musique. Sans label, ni tourneur, ni éditeur, eh bien, je viens de traverser une décennie faite de superbes dates, de belles rencontres avec le public, de réseaux sociaux qui grandissent encore, alors c’est cela pour moi le « succès », pouvoir se maintenir à flot en essayant de garder sa singularité, en évitant d’être aspiré dans les tendances algorithmiques.
Quels sont vos prochains objectifs ?
Je vous les listerai si vous voulez bien : M’offrir le meilleur, je veux dire par là, ne plus renoncer à l’Amour qui gravite autour de moi, parce qu’il y a telle ou telle obligation qui se présente. Faire en sorte que ma famille ne souffre pas trop de cette vie si difficile qu’est celle de l’Artiste. Lui épargner les conséquences de mes choix, de mon abnégation totale pour la musique, car cette dernière décennie a été terrible pour les miens. Garder la magie et l’amour en ligne de mire, ne jamais m’en écarter, car c ‘est la seule loi qui nous lie, mon public et moi. Essayer de trouver un accompagnement pro pour la suite de ma carrière. Voyager, lire le livre de Kemi Seba et écrire mon prochain album.
Je porte le nom d’une ville où je n’ai jamais vraiment mis les pieds
Quels liens y entretenez-vous avec l’Afrique et quelles actions y menez-vous ?
Je n’en ai aucun, pour être honnête avec vous. D’ailleurs, dans un de mes prochains morceaux, je dis : « Je porte le nom d’une ville où je n’ai jamais vraiment mis les pieds. Déraciné, comme des milliers, je glisse, je fais des titres, je fais le vide et je refais des disques… »
Ma mère vient du Togo, je suis moi-même né à Lomé et je suis parti quand j’avais 5 ans… Cela ne fait pas de moi un artiste africain, car je suis, comme des milliers de personnes dont les parents viennent d’Afrique : une racine fragile, déchirée… Surtout quand l’histoire parentale et le besoin de survivre ici font que personne n’entretient les liens avec la famille ou le pays… Je suis sous l’angle d’une trajectoire cabossée, laissant un vide immense, vide que je remplis comme je peux. Peut-être, est-ce cela être artiste ? Réparer des trajectoires.