Originaire de Bonabéri, un quartier de Douala situé sur la rive droite du Wouri, Eugène Ekéké, aujourd’hui âgé de 61 ans, fait partie des joueurs qui ont marqué l’histoire du football camerounais. Il a notamment participé aux Jeux olympiques de 1984, à la Coupe d’Afrique des Nations éditions 1988, 1990 et 1992. Mais aussi et surtout à la Coupe du monde 1990, en Italie. Sur une passe de Roger Milla, il donne l’avantage au Cameroun (2-1), lors du quart de finale contre l’Angleterre. Malheureusement, les Lions Indomptables ont perdu le match sur le score 2-3. Pour lui, l’équipe a manqué d’ambition, puisqu’il ne restait plus que 8 minutes, pour se qualifier en demi-finale.
Entretien de notre Envoyé spécial au Cameroun,
Pouvez-vous revenir sur vos années de gloire avec l’équipe nationale du Cameroun ?
Comme international, j’ai eu la chance et le privilège de faire trois CAN. En 88 au Maroc, nous avons gagné la Coupe. En 90 en Algérie à Annaba, ça ne s’est pas très bien passé et en 92, ma dernière CAN à Dakar. Là aussi, on sortait d’une euphorie. On était éliminé en demi-finale par la Côte d’Ivoire (1-1, tab 3-1), parce qu’on n’était pas très concentré. Sinon, j’ai eu également l’occasion de faire les Jeux Olympiques, aux Etats-Unis, à Los Angeles, en 1984. Un grand souvenir comme la Coupe du monde Italie 90.
Revenons sur cette fameuse Coupe du monde que vous avez joué avec le Cameroun. Les Lions indomptables avaient fait rêver toute l’Afrique, malheureusement les choses ne se sont pas bien passées face à l’Angleterre, en quarts de finale…
Oui, malheureusement. Je pense que cette Coupe du monde en Italie n’était pas très joyeuse pour nous à la fin. De façon symbolique, le Cameroun était le petit David devant les Goliath. Ce petit David commence le match d’ouverture contre le champion du monde sortant, l’Argentine. Avec le meilleur joueur du monde, Diego Maradona. Tout le monde pensait que Goliath allait écraser David. Dieu a confondu le monde et il a montré que d’une petite chose, il peut en faire une grande. Ce petit Cameroun a surpris le monde entier. Imaginez le monde entier devant l’écran, tout le monde a assisté à cet exploit inédit. Le président de la République (Paul Biya) était venu à ce match d’ouverture et il a eu cette belle surprise.
Quelles sont, selon vous, les retombées de votre victoire sur l’Argentine ou encore la Colombie ?
Je dirais qu’à un moment, le Cameroun représentait toute l’Afrique. Tous les Africains s’identifiaient au Cameroun. Que le football soit arrivé à faire ça, car à travers le football l’Afrique était unie. Tous les Africains étaient derrière le Cameroun. C’est d’ailleurs l’Afrique qui en a tiré les premiers bénéfices. Par la suite, la FIFA a attribué une place supplémentaire à notre continent, qui a actuellement cinq représentants à la phase finale de la Coupe du monde.
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Le Cameroun se dit souvent victime de l’arbitrage lors de certains phases finales de Coupe du monde, notamment en 82 contre le Pérou et en 90 devant l’Angleterre. Quel est votre avis sur cette question ?
Malheureusement, c’est la vérité. Mais, je ne pense pas qu’il y avait cette intention bien prononcée de nuire au Cameroun. Néanmoins, ça renverse un peu la table. Le Cameroun était sur le point de s’inviter en demi-finale. Je dirais qu’on s’est battu et on ne peut en vouloir qu’a nous-mêmes. Contre l’Angleterre, il ne restait plus que 8 minutes, pour atteindre le stade des demi-finales. On ne sait pas ce qui s’est passé en quarts de finale contre l’Angleterre. Depuis, l’Afrique n’avait plus atteint un tel stade de la compétition, à part le Sénégal en 2002 et le Ghana en 2010. C’était tout un rendez-vous avec l’histoire. Avec plus de maturité, on pouvait mieux gérer le temps qui restait. On aurait perdu du temps. Mais, on était un peu naïf, car arrivé à ce stade, on pensait atteindre le summum et on a manqué d’ambition. C’est dommage.
L’Afrique a déjà remporté les Jeux Olympiques avec le Nigeria en 1996 et le Cameroun en 2020. Pensez-vous que le continent a aujourd’hui le niveau d’aller chercher le titre mondial ?
Le trophée ne se donne pas, il se gagne sur le terrain. Les victoires de demain se préparent aujourd’hui. C’est aux Africains de montrer leur volonté et leur détermination. Cela passe par la volonté politique. Surtout travailleur mieux et plus. Moi, je me réjouis du nivellement de valeur qu’on a eu à cette CAN. La Gambie que personne ne connaissait dans le football africain s’est invitée en huitièmes de finale. Les Comores également… Ils ont enterré des dinosaures du football africain. Si on travaille, on aura les fruits. Si on veut cette Coupe du monde, il faut qu’on se donne les moyens de la gagner.
Parmi les équipes sont venues à cette CAN et qui vont bientôt disputer les éliminatoires de la Coupe du monde, quelles sont celles qui ont le niveau mondial, selon vous ?
Je pense à l’Algérie, malgré son élimination précoce, car c’était un accident. L’équipe devrait être plus concentrée et enlever cette pression de perdre. S’il y a trop de confiance, cela devient aussi négatif. Elle devrait jouer sur les valeurs qu’elle a montrées en Égypte où elle était plus combative et battante. La technique ne suffit pas, il faut d’autres arguments. L’Algérie, ce qu’elle avait montré était très satisfaisant, puisqu’elle est restée 35 matchs sans défaite. Et ce n’est pas un fait du hasard. Je vois l’Algérie et le Sénégal, qui a aussi un potentiel énorme actuellement, en termes d’individualité. Maintenant, je ne sais pas trop le collectif. Pour gagner un match, il ne faut d’abord pas le perdre, il faut bien défendre.
Avant le match des quarts de finale, le Sénégal n’avait pris aucun but. Cela veut dire qu’il est costaud. Le Sénégal a des arguments sur le plan offensif, qui peuvent marquer à tout moment. C’est sa stratégie et pour le moment, ça ne lui donne pas tort. Il y a probabilité qu’il se qualifie en finale comme en 2019 et même gagner cette coupe.
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