« Les ONG sont devenues incontournables dans les processus de prise de décision des entreprises », telle est la conviction de Jérôme Auriac, responsable de l’agence de conseil en stratégie de développement Be Linked
M.A : A l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, vous avez été invité à la conférence de ALLIES sur la lutte contre la faim, la pauvreté et la malnutrition. Quel est le rôle d’une société de conseil comme votre agence Be Linked dans la recherche de nouveaux modèles de partenariats?
Jérôme Auriac : Notre activité n’aurait pas pu voir le jour il y a quelques années, car le poids et la légitimité des associations a énormément évolué. Aujourd’hui, les ONG sont devenues incontournables dans la prise de décision des entreprises car elles entrent de plus en plus dans leur périmètre d’action. Be Linked travaille dans des activités de conseil en stratégie de développement auprès d’ une dizaine d’entreprises dont certaines grosses structures du CAC 40, cinq ONG et également le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Nous intervenons par exemple auprès de dirigeants d’entreprises qui souhaitent apprendre à travailler avec les associations.
M.A : A quel point ces associations sont-elles influentes aujourd’hui?
Jérôme Auriac : Beaucoup d’associations sont très dynamiques dans les activités de lobbying. On peut citer Greenpeace et Amnesty International qui vont jusqu’à acheter les actions de certains groupes pour pouvoir interpeller les dirigeants lors des assemblées générales. D’autres associations n’hésitent pas à se regrouper pour pouvoir peser sur de grandes problématiques. Sans le collectif d’associations « Alliance pour la planète », le Grenelle de l’environnement et la taxe carbone n’auraient peut-être pas vu le jour. Sur les problématiques de développement durable en particulier, les associations ont gagné une grande légitimité aux yeux des Français.
M.A : Est-ce que ça veut dire que les entreprises doivent s’ajuster? Dans ce cas, qu’est-ce que le « social business »?
Jérôme Auriac : Pour l’instant, les ONG sont comme des petits cailloux dans la chaussure du dirigeant d’entreprise. Personne ne souhaite apparaître dans les guides de Greenpeace ou faire les frais de mobilisations citoyennes. C’est très mauvais en termes d’image. L’entreprise doit pouvoir trouver un intérêt à s’engager dans des projets aux côtés d’ONG. Le temps du mécénat est révolu, je pense qu’il faut créer des outils de management pour permettre de faire entrer les ONG dans des chaînes de valeur aux côtés des entreprises et pas uniquement sur un projet ou sur une compétence.
Le « social business » est un exemple encore marginal de partenariat qui crée une valeur conjointe entre une entreprise et une ONG. Le concept est notamment développé par Danone Communities au Bangladesh. C’est un investissement qui répond à un besoin essentiel (eau, nourriture, énergie) mais de façon économiquement viable, c’est-à-dire que les revenus générés sont entièrement réinvestis. « No loss, no dividend » selon l’inspirateur de ce modèle, père du micro-crédit, Muhammad Yunnus. Si vous êtes actionnaire, vous placez de l’argent qui ne vous rapporte rien directement mais qui dégage de la valeur sociale.
Par Manon Aubel