Enoch Effah imbattable. Défié dans son fief parisien par le Serbe Sasa Cirovic, le champion français d’origine ghanéenne a prouvé une nouvelle fois sa supériorité de manière implacable. Le clou d’une magnifique journée de sport et de chanson… Tout entière organisée par Enoch Effah!
Enoch Effah est un homme complet : champion du monde de boxe française catégorie poids lourds pour la deuxième année consécutive, survolant impeccablement toute sa génération, d’une efficacité peu de fois rencontrée dans l’histoire de cette discipline particulièrement exigeante, il a aussi toutes les qualités du leader : affectif, attentif, directif, il était hier à la fois l’organisateur et le clou du spectacle !
Un événement total!
Un mot d’abord sur l’organisation, qui commença dès 14h00 samedi 17 novembre à la halle Carpentier par une série d’ateliers sportifs de boxe française, de judo, de Karaté-jutsu, de Capoeira, de Basket-ball, d’Athlétisme, de Taekwondo, de Kung-Fu, de Karaté… Ateliers encadrés par des athlètes de haut niveau, souvent champions de France, parfois Champions du monde… Après les ateliers, vint le temps du spectacle, vers 18h30… Et jusqu’à 19h30, avec une succession de démonstration des sports pratiqués dans l’après-midi.
A 19h30 commençait le concert : Stomy Bugsy, F-Lekip, NDC, conclu par un interlude en freestyle de deux sportifs… Sport et musique, c’était le concept, et la réussite était totale ! A 21h30, le défilé musical laissait place à un défilé de mode profondément original : sur le ring où bientôt les combats allaient se tenir, ce sont les mannequins agiles et racées de Ayden qui montaient soudain…
Ayden : respiration de charme et d’élégance
Comme une respiration de charme et d’élégance dans un monde de brutes : le public, très nombreux (plus d’un millier de personnes à ce moment de la soirée) applaudissait les créations de cette jeune styliste innovante, adepte d’un style « fusion », qui relie Milan et l’Afrique, les imprimés du continent et les coupes modernes des créateurs contemporains.
C’était, pour beaucoup, la première rencontre avec le style d’Ayden. Ce fut pour tous la même séduction, la révélation d’un nouveau talent – à elle à qui l’on en connaissait pourtant déjà bien d’autres
Boxe française : 6 combats exceptionnels
Commençait alors, un peu en retard, le défilé des six combats prévus au programme. Des combats exceptionnels, comptant pour les éliminatoires du championnat de France de boxe française, au fil desquels on put voir Jennifer Lopez l’emporter sur Evah Ravelosata en catégorie Mouche puis une série de combats où s’illustrèrent Fabrice Aurieng contre Frédéric Heini, en Lourd, Cyrielle Girodias contre Virginie Trela, en Légère, Innocent Widens contre Ludovic Millet en Moyen, et surtout Wesley Courville contre Farid Messaoudi… De ce dernier combat l’impressionnant Wesley Courville sortit largement en tête.
Tout cela n’était qu’une mise en bouche avant le plat de roi : le championnat du monde disputé par Enoch Effah, champion du monde en 2006, contre le Serbe Sasa Cirovic. L’immense Hall Carpentier était comble et retenait son souffle. Rien n’est plus impressionnant que d’entendre, parfois, une foule dont le souffle est coupé, à la fois par l’attention, l’impatience, l’émotion.
Enoch Effah aérien et décisif
Magnifique entrée pour Enoch Effah, drappé dans sa cape bleu-blanc-rouge, auréolé de son titre de Champion de France, herculéen, et offrant toujours cette jeunesse puissante et rayonnante qui le caractérise, créant autour de lui comme une distance d’impunité et de franchise. Son regard exprime l’intense concentration du moment. Il est ce soir dans la position du défendeur, c’est pour le vaincre que Sasa Cirovic a fait le voyage de sa lointaine Serbie.
Sasa Cirovic monte à son tour sur le ring, moins théâtral, mais aussi impressionnant physiquement, tout en muscles, l’air buté, résolu, carrure de bûcheron des Balkans, aussi difficile à ébranler qu’une souche ; il s’est préparé depuis des mois à affronter Enoch. A son entrée l’immense salle sent ses tripes de serrer. Car au-delà de l’admiration que les Parisiens ont pour leur champion, ils ont pour Enoch de l’affection. Et ils tremblent secrètement.
Un choc de géants
Les choses vont pourtant très vite de dénouer. Le choc des géants se produit, avec puissance, avec un égal engagement, avec une pratique aussi massive que rapide. Les coups s’enchaînent à grande vitesse, les jambes balaient ce qu’elle peuvent, mais presque tout de suite, Sasa Cirovic encaisse. Très vite, il tombe. Se relève. Mais cette première chute a marqué les rôles de chacun. Alors qu’Enoch reste fermement ancré sur ses appuis, aussi équilibré qu’un roc, Sasa Cirovic trébuche sous ses assauts. La hiérarchie ainsi créée entre eux ne se renversera pas.
Dès lors chaque reprise se bâtit sur un même scénario : les premiers échanges de coups sont équilibrés, Enoch Effah se couvre bien, il ne laisse rien passer des boulets décochés par son adversaires. Puis Sasa Cirovic essaie de l’attaquer aux jambes, mais Enoch reste indéracinablement stable, et parvient au contraire très vite à le propulser au sol, où il tombe lourdement. Il se relève, mais ne parvient plus à éviter les quelques droites qui s’enchaînent. Enoch semble alors avoir des semelles de vent : Mercure vient doubler Hercule, son agilité le dispute à sa force. Il enveloppe son challenger, le surprend, le heurte, le frappe.
Enoch au croisement entre Hercule et Mercure
Enoch montre un calme et une concentration exceptionnels : rien ne le fait dévier, il ne porte pas un coup de trop, il paraît à la fois imparable et mesuré. La première maîtrise dont il témoigne, c’est celle ses nerfs. Il ne se laisse pas plus emporter par l’apparente facilité que par le découragement, ni excès d’exaltation, ni perte de confiance. C’est cette force mentale sur laquelle viennent se briser les tentatives de l’adversaire. Dans ce sport impitoyable où la moinde défaillance ou hésitation peut être fatale, c’est par cette formidable maîtrise de soi qu’Enoch Effah triomphe.
La fin du combat est naturelle : enchaînement de coups qui portent, Sasa Cirovic qui trébuche, le combat s’arrête, faute de combattant. Enoch Effah reste ce soir Champion du Monde, au milieu des applaudissements et des cris de joie et d’affection de ses milliers d’admirateurs, parfois anonymes, parfois célèbres, sportifs de haut-niveau, chanteurs actuels, acteurs de cinéma, animateurs de radio ou de télévision, journalistes…
Triomphe modeste
Commence alors le tour d’honneur, la remise de la superbe ceinture de Champion du Monde, les photographies, les discours des autorités sportives et municipales… Ce qui apparaît alors, dans la ferveur de la foule qui se presse autour du ring, c’est aussi l’attachement réel à Enoch Effah, qui dépasse l’admiration pour le sportif. Car tous ici savent, plus ou moins consciemment, que sans Enoch rien ne se serait passé, que cette journée toute entière porte son sceau, et qu’il a passé tout son temps, ces derniers mois, entre ses entraînements sportifs, à en peaufiner l’organisation. Réussite sur toute la ligne. Bravo champion!
Au coeur de cette émotion et de cette reconnaissance tangible, un moment d’exception : celui où monte sur le ring pour le féliciter la compagne d’Enoch, et… sa fille! Nouveau-né de quelques jours emmitouflé dans son nid-d’ange molletonné, l’enfant reçoit alors avec son père l’ovation de la foule. C’est alors un moment de communion paradoxale : tant de fragilité, portée par tant de force, ce bourgeon d’avenir, ce chêne inébranlable! La foule hésite, ne sachant trop quoi dire… Quoi dire!? Félicitations! Doubles félicitations au champion et au père! Bravo. Et merci.