Enlèvements d’expatriés en Afrique : une menace en pleine expansion


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Enlèvement en Mauritanie
Enlèvement en Mauritanie

L’Afrique de l’Ouest, déjà confrontée à de nombreuses crises sécuritaires, voit une inquiétante montée des enlèvements ciblant les ressortissants étrangers. Le dernier en date s’est produit à Agadez, dans le nord du Niger, où une citoyenne suisse a été enlevée à son domicile, trois mois seulement après la disparition d’une humanitaire autrichienne dans la même ville.

Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) à Berne a confirmé, ce lundi 14 avril 2025, que la citoyenne suisse, prénommée Claudia, a été kidnappée dans des circonstances encore floues. Les autorités nigériennes, via le gouverneur de la région d’Agadez, le général de brigade Ibra Boulama Issa, ont précisé que l’enlèvement s’est produit dans la soirée du dimanche 13 avril, directement au domicile de la victime.

Une région sous tension, théâtre de multiples disparitions

Cette disparition intervient dans un climat sécuritaire de plus en plus dégradé. Le 11 janvier 2025, une autre ressortissante européenne, Eva, une humanitaire autrichienne de 73 ans, avait été enlevée à Agadez. Installée depuis 28 ans au Niger, elle y avait fondé un centre d’éducation et d’aide sociale. Malgré son engagement durable et son influence locale, elle avait déjà été menacée en 2021. Depuis son enlèvement, aucune revendication n’a été rendue publique et son sort demeure incertain.

Ces deux enlèvements en l’espace de quelques mois sont la preuve d’une réalité de plus en plus préoccupante : la recrudescence des actes de kidnapping dans les zones frontalières et sahéliennes, où les groupes armés prolifèrent et profitent du vide sécuritaire pour se financer.

Une tendance inquiétante qui dépasse le Niger

Le cas du Niger s’inscrit dans une tendance régionale plus large. Des enlèvements de ressortissants étrangers ont également été recensés ces derniers mois au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria, ainsi qu’au Tchad. Si les motivations varient – rançon, pression politique ou idéologique – le ciblage des expatriés humanitaires, diplomatiques ou économiques est devenu un levier stratégique pour les groupes criminels ou terroristes.

L’enlèvement de Claudia laisse entrevoir que les personnes les plus exposées sont souvent celles venues pour soutenir les communautés locales : enseignants, soignants, ingénieurs ou bénévoles. Dans certaines régions, leur présence est perçue comme une opportunité de chantage, voire comme une menace idéologique par des groupes extrémistes.

L’insécurité croissante dans les zones humanitaires

L’essor des enlèvements inquiète les organisations non gouvernementales (ONG), déjà fragilisées par les restrictions budgétaires et les difficultés logistiques. Nombre d’entre elles revoient actuellement leur implantation dans les zones à haut risque. L’Afrique sahélienne, autrefois terrain de développement et d’action sociale intense, devient progressivement un espace d’incertitude pour les acteurs humanitaires.

À Agadez, les autorités peinent à garantir la sécurité des expatriés malgré les efforts visibles sur le terrain. La région, stratégique pour la gestion migratoire et les activités de développement, est aussi traversée par des routes clandestines empruntées par divers trafics : drogue, armes, êtres humains. Ce contexte chaotique rend la tâche des forces de sécurité extrêmement complexe.

Une coopération internationale à renforcer

Face à cette insécurité grandissante, la coopération entre les pays africains et leurs partenaires occidentaux devient plus que jamais nécessaire. Le cas de Claudia met une pression accrue sur les autorités suisses et nigériennes pour une réponse rapide et coordonnée. À Berne, le DFAE a indiqué être en contact étroit avec les autorités locales tout en maintenant un silence médiatique strict pour des raisons de sécurité.

La multiplication de ces affaires relance les discussions autour de la diplomatie préventive et de la sécurisation des missions étrangères en Afrique. Il ne s’agit plus seulement de répondre aux crises, mais de les anticiper, en renforçant la présence sécuritaire, en favorisant les partenariats locaux et en soutenant les efforts de stabilisation politique.

Une crise humanitaire sous pression

Les enlèvements répétés remettent également en question la viabilité des missions de long terme dans les régions instables. Pour de nombreuses ONG, chaque disparition devient un facteur de découragement et d’abandon. Si les volontaires et les expatriés sont souvent animés par un engagement fort, la réalité du terrain les pousse de plus en plus à limiter leur exposition ou à quitter des zones devenues trop dangereuses.

L’affaire Claudia, toujours non revendiquée à ce jour, symbolise cette bascule inquiétante : même les zones autrefois perçues comme relativement sûres, comme Agadez, deviennent aujourd’hui des points chauds d’insécurité. L’humanitaire, autrefois porteur d’espoir, est désormais contraint de composer avec des risques extrêmes.

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