
La multinationale française Engie se trouve au cœur d’une controverse internationale après avoir été épinglée à plusieurs reprises pour son implication dans des projets d’exploitation de ressources au Sahara occidental occupé, en violation flagrante du droit international. Western Sahara Resource Watch dénonce ces activités qui contribuent à légitimer l’occupation marocaine de ce territoire non autonome.
Un mépris flagrant du droit international
Le géant français de l’énergie Engie a été récemment condamné par l’observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW) pour son « mépris flagrant » du droit international au Sahara occidental. Dans un communiqué rendu public le 27 mars 2025, l’ONG a vivement critiqué les activités de la multinationale française qui continue de produire illégalement de l’électricité dans ce territoire occupé militairement par le Maroc.
L’électricité produite par Engie est principalement destinée au secteur agricole dans la région de Dakhla, une ville située dans la partie du Sahara occidental sous occupation marocaine. Cette production énergétique alimente notamment des exploitations de tomates et de melons, dont les produits sont majoritairement exportés vers l’Union européenne.
Sara Eyckmans, coordinatrice de WSRW, a déclaré sans ambiguïté : « Nous condamnons fermement le soutien affiché d’Engie à l’occupation marocaine du Sahara occidental, tant par ses actions que par ses déclarations. » Elle a ajouté que « à l’heure où le droit international est soumis à d’intenses pressions, le comportement d’Engie ne doit pas rester incontesté. »
Des projets controversés qui se multiplient
Cette dénonciation intervient seulement dix jours après une précédente alerte lancée par la même ONG concernant un autre projet controversé impliquant Engie. Le 17 mars 2025, WSRW avait en effet signalé l’implication de l’entreprise française dans un projet visant à produire illégalement de l’hydrogène vert dans ce territoire non autonome en attente de décolonisation.
Engie est présent dans plusieurs secteurs stratégiques au Sahara occidental occupé. En 2018, en partenariat avec Nareva, une entreprise marocaine détenue par la holding royale Al Mada, le groupe français a obtenu un contrat pour construire une usine de dessalement alimentée par l’énergie éolienne près de Dakhla. Ce projet ambitieux vise à transformer plus de 5 000 hectares de terres en zones agricoles destinées principalement à l’exportation.
Les principales bénéficiaires de cette initiative sont des entreprises agro-industrielles, dont « Les Domaines Agricoles », propriété de la monarchie marocaine dénonce l’ONG, révélant ainsi les liens étroits entre les intérêts économiques du Royaume et l’exploitation des ressources du territoire occupé.
Plus récemment, en octobre 2024, Engie a signé un accord de développement conjoint avec le groupe marocain OCP pour investir jusqu’à 17 milliards d’euros dans des projets d’énergies renouvelables au Maroc. Cet accord prévoit notamment la production d’énergie renouvelable, la synthèse d’ammoniac vert, la mise en place d’infrastructures électriques pour les sites de l’OCP et la construction d’une usine de dessalement pour l’irrigation agricole.
Une violation caractérisée des décisions juridiques internationales
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué à plusieurs reprises – et plus récemment le 4 octobre 2024 – que « l’accord commercial UE-Maroc, prévoyant des préférences tarifaires pour les produits agricoles, ne pouvait s’appliquer au Sahara occidental, faute de consentement du peuple du territoire. »
De ce fait, « l’accord commercial, qui couvre les importations agricoles en provenance de Dakhla, a été considéré comme violant les principes du droit international, notamment le droit à l’autodétermination« , souligne WSRW dans son communiqué.
En effet, le Sahara occidental est considéré par l’ONU comme un territoire non autonome, et toute exploitation de ses ressources sans le consentement de son peuple est jugée illégale selon le droit international. La persistance d’Engie à investir dans ces projets malgré ces décisions juridiques claires témoigne d’une stratégie délibérée de contournement des obligations légales internationales.
Des justifications qui ne convainquent pas
Face aux critiques, Engie a tenté de justifier ses actions en affirmant que toutes les parties prenantes, y compris les populations locales, ont été consultées. Cependant, cette défense a été invalidée par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a clairement établi en octobre 2024 que de telles consultations ne peuvent en aucun cas remplacer le droit fondamental du peuple sahraoui à décider de l’utilisation de ses terres et ressources.
Cette position juridique sans équivoque remet directement en cause la légitimité des opérations d’Engie dans la région et soulève des questions éthiques importantes quant à la responsabilité sociale et environnementale revendiquée par le groupe.
Un soutien diplomatique français controversé et ces conséquences potentielles pour Engie
L’implication d’Engie au Sahara occidental s’inscrit dans un contexte diplomatique particulier, marqué par un rapprochement entre la France et le Maroc sur la question du Sahara occidental. En novembre 2024, l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a effectué une visite officielle au Sahara occidental, marquant un changement notable dans la position diplomatique française.
Les dénonciations répétées de Western Sahara Resource Watch et d’autres organisations de défense des droits humains pourraient avoir des conséquences significatives pour Engie, tant sur le plan juridique que réputationnel.
- Sur le plan juridique, l’entreprise pourrait faire face à des poursuites pour violation du droit international et complicité dans l’exploitation illégale des ressources d’un territoire occupé. Ces actions juridiques pourraient être intentées devant différentes juridictions, y compris françaises et européennes.
- Sur le plan réputationnel, ces controverses risquent d’entacher l’image d’Engie auprès des investisseurs, des consommateurs et des partenaires soucieux du respect des droits humains et du droit international. Dans un contexte où la responsabilité sociale des entreprises devient un critère de plus en plus important pour les investisseurs, ces accusations pourraient affecter la valorisation boursière du groupe.
La situation au Sahara occidental et l’implication d’entreprises comme Engie dans l’exploitation des ressources de ce territoire occupé appellent à une réaction plus ferme de la communauté internationale. Les Nations Unies, l’Union européenne et les gouvernements nationaux devraient exercer une pression accrue sur les entreprises qui contribuent à perpétuer l’occupation marocaine en tirant profit des ressources sahraouies.