Mardi 1er juin, Arte consacre son Thema aux enfants-soldats. Il ne faut pas rater l’excellent documentaire de François Margolin, Les petits soldats, tourné au Liberia entre octobre 2003 et janvier 2004. Le réalisateur français y livre des témoignages terrifiants où la frontière entre bourreaux et victimes a rarement été aussi mince.
Il y a quelque 300 000 enfants-soldats dans le monde. Plus de 120 000 d’entre eux se trouvent en Afrique (Burundi, République démocratique du Congo, Liberia, Soudan, Sierra Leone, Somalie, Angola, Rwanda, Ouganda). Mardi 1er juin, la chaîne de télévision Arte consacre un Thema exceptionnel à ce sujet, intitulé « Enfants des rues, enfants des guerres ». L’occasion de voir l’excellent documentaire du réalisateur français François Margolin, Les petits soldats. Parrainé par l’Unicef et tourné au Liberia entre octobre 2003 et janvier 2004, il plonge dans ce pays dévasté par 14 ans de guerre et part à la rencontre de ces gamins surarmés dont on ne sait plus s’ils sont enfants ou soldats. Ces derniers appartiennent aux deux mouvements rebelles luttant contre le régime de l’ex-Président Charles Taylor : le Lurd à l’Ouest et au Nord, et le Model, à l’Est.
« L’Unicef nous a donné les moyens logistiques et une totale liberté », explique François Margolin. « Lorsque nous sommes partis filmer, le pays était plein de bandes d’enfants armés, entre 12 et 16 ans, qu’il était difficile d’aborder et de faire parler. Les travaileurs sociaux nous ont aidé à communiquer avec eux. Ils avaient besoin de s’exprimer. C’était la première fois qu’ils le faisaient, et peut-être la dernière. Ceux qui avaient 11-12 ans le faisaient sans arrière-pensées alors que ceux qui avaient plus de 16 ans essayaient déjà de réfréner leur parole, de sortir des discours stéréotypés. »
Bourreaux et victimes
Le film s’ouvre sur Prince, 14 ans. Il a tué plus de 20 personnes. Il est hilare. « Je me bats pour développer mon pays. J’adore tuer. Mes parents le savent et ils sont ok. Je veux rejoindre la rébellion et ne pas retourner tout de suite à l’école. » Suivront Ousmane D., dit « mon ami », 17 ans, qui dit se battre pour se venger et déteste Taylor. Son comparse, Lansana K., dit « chat noir », 17 ans de muscles noueux et de nervosité mal dissimulée. Gibson, 10 ans, dit « Bébé rebelle », gueule d’ange au bandana qui « a tué beaucoup ».
L’équipe s’enfonce dans le pays, truffé de check-points tenus par les mômes qui trompent l’ennui en astiquant leurs armes et en écoutant de la musique. La voix haut perchée d’Alpha Blondy résonne. Notes de paix pour ambiance de guerre. Puis on passe au centre de réhabilitation des enfants-soldats à Monrovia. Les témoignages y sont les plus troublants. Les enfants se révèlent à la fois bourreaux et victimes… « Même s’ils sont tous victimes de la situation générale, 50% d’entre eux se sont mal conduits pendant cette guerre. La moitié de ces enfants a été forcée de se battre, l’autre moitié l’a choisi délibérément, par vengeance, par goût de la guerre ou à la suite de la disparition de leurs familles », précise le réalisateur.
Anthropophagie
Jefferson, 13 ans, les yeux débordants de tristesse, a été forcé. « Quand tu vois tes amis voler, tu voles. Quand tu les vois tuer, tu tues », résume-t-il, amer. Georges, 15 ans, fumait de l’herbe, « des vraies drogues d’Amérique », pour se donner du courage. « Avec ça, l’homme en face de toi devient un poulet, tu lui tranches le cou direct ! » D’autres racontent sans ciller les séances d’anthropophagie, se rappelant le goût qu’a le cœur humain quand il est cuit à point… Face aux enfants : ceux qui les ont enrôlés. Comme Philipp Rambo (sic), responsable du Lurd : « Quand un enfant porte une arme, ce n’est plus un enfant, c’est un soldat. Je n’ai pas d’enfants-soldats, ce sont tous des combattants. » Affaire classée.
L’Unicef estime à 60 000 le nombre de combattants libériens dont la moitié aurait moins de 18 ans. Aujourd’hui, les trois ONG qui travaillent sur le terrain s’occupent de moins de 500 d’entre eux et le pays ne compte qu’un seul psychiatre.