En Côte d’Ivoire, les enfants démunis – particulièrement les filles vendant leurs corps pour survivre – ont besoin, d’urgence, d’abris où ils peuvent recevoir des soins et du soutien, selon une organisation non gouvernementale (ONG) locale qui s’occupe de filles qui vendent des légumes le jour, et leur corps la nuit.
Le 2 décembre, Fanta, âgée de 13 ans, est morte quelques jours après avoir subi un viol collectif, à une gare routière près de l’endroit où elle et ses amies échangent leur corps contre de l’argent et de la nourriture.
« C’est juste un cas parmi beaucoup d’autres – il n’y avait aucun endroit pour elle où se rendre pour recevoir des soins et du soutien », a dit Irié Bi Tra Clément, fondateur de l’ONG locale Cavoequiva, ce qui signifie « Unissons-nous » en Gouro. Il avait reçu un appel, tout comme d’autres travailleurs sociaux, au sujet de la situation de Fanta, l’avait rencontré et cherché un centre de soins où l’emmener.
La plupart des filles dont s’occupent Cavoequiva ont dit à l’ONG qu’elles avaient été emmenées à Abidjan depuis la campagne ivoirienne par des parents ou des amis de la famille, qui disaient que les filles pourraient gagner leur vie comme porteuses ou vendeuses au marché d’Adjamé. Les filles ont dit que plus tard, leurs hôtes les avaient forcées à vendre leur corps, selon les membres du personnel de l’ONG.
Avec l’aide des travailleurs sociaux, Fanta – dont les parents sont décédés – a été examinée dans un hôpital local, mais c’était déjà quelques jours après qu’elle a été violée, a dit Irié. Elle est ensuite retournée à son stand en ciment au marché ; elle est morte quelques heures après, lors que des travailleurs sociaux cherchaient où l’emmener. Les examens médicaux ont montré qu’elle était séropositive et assez malade, a appris Irié.
« C’est déplorable ce qui arrive à ces enfants », a-t-il dit.
Cavoequiva demande aux ONG internationales, au gouvernement, aux donateurs et à la mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire, de l’aide pour mettre en place à Abidjan des abris pour les enfants dans le besoin, exploités et séparés de leur famille.
« Malgré l’émergence des ONG en Côte d’Ivoire dans ces dernières années, force est de reconnaître qu’il y a un manque [criant] de centre d’accueil des enfants en difficulté dont leur prise en charge nécessite un suivi de longue durée », a dit Cavoequiva dans un papier en janvier.
Pour Irié, le soutien adéquat – incluant l’éducation et la formation – a encore beaucoup de chemin à faire avant d’éloigner les filles des drogues et de la prostitution. Lors de longs entretiens avec le personnel de Cavoequiva, les filles qui vendent leur corps à Adjamé ont parlé des différentes drogues, largement disponibles, qu’elles prennent lorsqu’elles travaillent la nuit.
Un problème qui grandit
La violence à l’encontre des filles en général est en augmentation et les ressources pour assister les victimes sont limitées, a dit Désiré Koukoui, directeur du Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) en Côte d’Ivoire.
« Les filles sont de plus en plus sujet aux abus et à la violence dans les foyers ainsi que dans la rue », a dit M. Koukoui à IRIN depuis Abidjan, où le BICE gère plusieurs abris pour les enfants désavantagés et abusés. « Nous voyons cela de plus en plus, surtout durant ces dernières années de conflit en Côte d’Ivoire. Il est nécessaire de fournir une assistance spéciale pour ces besoins spécifiques ».
Il a dit qu’il existe des centres pour ces victimes mais en nombre insuffisant. « C’est un problème de ressources ; même les centres existants n’en ont pas assez ».
Les abris pour les enfants victimes de trafic sexuel ont besoin de ressources considérables, et c’est la raison principale de la pénurie, selon Tatiana Kotlyarenko, directrice exécutive d’Enslavement Prevention Alliance Afrique de l’Ouest, qui combat le trafic d’êtres humains, particulièrement le commerce sexuel des femmes et des enfants.
« On revient toujours à la même question – un manque total de ressources disponibles pour les victimes », a-t-elle dit à IRIN. « Tant d’enfants dans le monde meurent chaque jour parce qu’il n’y a pas d’endroit sûr pour eux pour être protégé, alors que des millions de dollars partent en formation, recherche et politique. Je pense qu’il est temps pour la communauté internationale de désormais mettre l’accent sur la priorité – les victimes elles-mêmes ».
Tous les autres éléments de la lutte sont essentiels, mais les lois existantes ne peuvent pas être appliquées et les plans mis en œuvre si une protection efficace des victimes n’existe pas, a-t-elle dit.
Le gouvernement ivoirien – qui n’a pas signé le protocole des Nations Unies contre le trafic d’êtres humains – a adopté en 2007 un plan d’action de deux ans pour les enfants exploités et victimes de trafic, demandant notamment un renforcement des lois pour protéger les enfants et l’amélioration des soins et du soutien aux enfants victimes.
Des officiels du ministère de la Famille et des Affaires Sociales n’étaient pas disponibles pour commenter l’état d’avancement des mesures ou les besoins en abris.
Photo: Nancy Palus/IRIN