Encore un autre scandale financier impliquant des cadres de la Banque nationale d’Algérie (BNA). Une dizaine de ces derniers, dont trois de la direction générale et cinq des services régionaux de Annaba, ont été présentés hier au tribunal de Annaba pour une affaire de crédit octroyé à un privé dans des conditions douteuses et de vente aux enchères d’une conserverie de tomate.
Trois autres personnes ont été également présentées dans le cadre de cette affaire et dont les auditions se sont poursuivies tard dans la journée. L’affaire remonte au début de l’année 2000, et ce n’est que cette semaine que la justice a ouvert le dossier. Elle concerne un crédit de près de 200 millions DA octroyé à la Sarl Essaada avec comme garantie une conserverie située au domaine Riah, à El Tarf. Après avoir constaté l’incapacité de ladite société d’honorer ses engagements, la BNA a procédé à la saisie de la conserverie et sa mise aux enchères publiques. Jusque-là, tout semble légal, mais le hic est apparu dans la mise en vente. Tout aurait été fait de manière à ce qu’un seul client, la Sarl Gfal, se présente pour comme unique acheteur avec comme condition un prêt que la banque lui a accordé pour acquérir l’unité de production. Une condition que la banque aurait acceptée.
Quelques années plus tard, le scandale éclate après qu’une coopérative publique, l’Eurl Sijico El Chatt, mitoyenne à la Sarl Essaada, ait contesté la transaction. La BNA se voit obligée de faire une mise au point publiée dans la presse écrite, estimant que cette conserverie lui revenait de droit. En réponse, la BNA déclare que cette coopérative, Sijico El Chatt, ne répond pas aux critères d’une telle acquisition, « car n’ayant pas de ligne complète pour le traitement de la tomate ou du jus de fruits, que ses biens transférés par la Badr ne peuvent fonctionner sans l’intervention d’autres biens objets de nantissement au profit de la BNA, et enfin que son patrimoine foncier et immobilier a été saisi au profit de la BNA et vendu à la Sarl Gfal et que l’assiette foncière appartient toujours au service des domaines de la wilaya d’El Tarf ». Une information judiciaire a été alors ouverte par le parquet de Annaba, notamment au sujet de la vente aux enchères, opération qui doit se réaliser, selon la loi, avec du cash et non pas avec un crédit bancaire, mais aussi au sujet de la mise à prix décidée par le commissaire-priseur. Hier, ce sont quatre cadres de la direction générale, parmi lesquels le directeur du crédit. Trois seulement se sont déplacés à Annaba. Le quatrième est décédé à la suite d’un arrêt cardiaque quelques heures seulement après avoir reçu la convocation du parquet. Cinq cadres de la direction régionale de la BNA ont été également entendus, au même titre que le commissaire-priseur et les responsables de la Sarl Gfal, Sijico El Chatt et Essaada. Jusqu’en fin de journée, aucune décision n’a été prise par le parquet qui poursuivait toujours les auditions.
La Banque nationale d’Algérie éclaboussée
Il est question de lever le voile sur la transaction ayant permis la vente de la coopérative Essaada à Gfal, mais également l’octroi d’un crédit pour la concrétisation de cette opération. Encore une fois, la Banque nationale d’Algérie se voit éclaboussée par un autre scandale financier après avoir été au centre d’un immense préjudice financier de l’ordre de 32 milliards de dinars dans lequel serait également impliqué Achour Abderrahmane, un richissime commerçant. L’instruction autour de cette affaire a pris fin en juillet dernier pour être déposée à la chambre d’accusation qui a maintenu toutes les décisions du juge. Des pourvois en cassation ont été introduits auprès de la Cour suprême, où le dossier est actuellement en instance. Quelque 32 personnes ont été inculpées dans ce cadre, parmi lesquelles les responsables des agences BNA de Bouzaréah, de Zighoud Youcef, de Cherchell, de Koléa, ainsi que l’ex-PDG de la BNA, son inspecteur général, le directeur régional et celui du réseau exploitation, deux commissaires aux comptes, deux experts-comptables, le directeur du service informatique pour, entre autres, association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, faux en écriture bancaire, escroquerie et chèques sans provision. Parmi les mis en cause, 15 ont été mis sous mandat de dépôt, notamment les responsables des agences, alors que deux autres sont concernés par des mandats d’arrêt, dont un international, à l’encontre de l’ex-directeur de l’agence BNA de Bouzaréah en fuite en Grande-Bretagne.
A ce dossier, est venue se greffer une autre affaire liée à l’octroi à Achour Abderrahmane d’un document par des cadres de la police qui le blanchit des crimes qui lui sont reprochés et devant lui servir pour se défendre contre son extradition du Maroc. Deux commissaires, l’ex-directeur de la police judiciaire de Tipaza et son adjoint, ont été mis sous mandat de dépôt par le tribunal de Bab El Oued pour, entre autres, corruption, complicité de détournement, faux et usage de faux. L’ex-chef de la sûreté de wilaya de Tipaza a été mis en liberté provisoire, alors que l’ex-directeur de la clinique des Glycines, Sbih, est gardé sous contrôle judiciaire, puis mis remis en liberté dans des conditions non encore élucidées. C’est dire que la banque publique se trouve aujourd’hui au centre de plusieurs scandales qui ont causé un lourd préjudice au Trésor public.
Salima Tlemçani, pour El Watan