Séparé de Mogadiscio, le Somaliland a gagné, depuis quelques années, le pari de la paix. Il connaît aujourd’hui une démocratisation et un développement remarquables. Mais la communauté internationale entrave son développement en lui refusant toute reconnaissance.
À l’image d’un maçon qui construit patiemment son mur en posant brique après brique, le Somaliland ne cesse de se donner jour après jour le profil d’un Etat démocratique. La dernière trouvaille de ce pays aussi grand que l’Angleterre et le Pays de Galles réunis, a pour nom : le Forum de dialogue civique. Il s’agit d’un rendez-vous à la télévision nationale. Une tribune ouverte aux hommes politiques de tous bords pour débattre des principaux problèmes du Somaliland. Une avancée de plus dans ce pays désertique qui est parvenu à concilier traditions claniques et libéralisme.
La démocratie réinventée
A la suite de la séparation avec la Somalie de Siad Barré, c’est dans le Somaliland qu’une expérience unique de démocratisation en Afrique a été menée avec succès. Le chaos somalien a commencé avec la guerre civile de 1988 et la chute du régime Barré. Le SNM (Somali National Mouvement), guérilla essentiellement composée d’un clan du nord mais regroupant cependant tous les opposants au régime a, la première, ébranlé la puissante armée somalienne en libérant le nord du pays. Loin de sombrer dans l’anarchie, cette région s’est organisée à l’issue d’un grand conseil des clans (« shir »).
L’indépendance de la République du Somaliland a été proclamée le 18 mai 1991 dans les limites de l’ancien protectorat britannique. La Somalie est née en 1960 de l’union du Somaliland au nord et de Somalia au sud, deux protectorats britannique et italien ayant eu leur indépendance la même année. Par cette sécession, le Nord mettait donc fin à trente années de domination du Sud. Les premières années ont été dures et l’effort principal du gouvernement consistait à instaurer cette paix entre les clans. Au mois de mai 1993, un grand conseil a élu M. Mohamed Ibrahim Egal comme président de la République du Somaliland.
Un modèle politique et économique
Onze ans après son indépendance, le Somaliland est un véritable Etat avec un gouvernement, un parlement, une armée, un passeport, une monnaie… Sa réussite est telle que les spécialistes de la politique africaine le considèrent comme un modèle à suivre en Afrique.
En mai 2001, une nouvelle Constitution a été adoptée par 97% des Somalilandais. Le pays s’ouvre alors à l’économie de marché. Avec trois compagnies de télécommunications privées, un système scolaire reconstruit sur des ruines, deux universités privées, des hôpitaux soutenus par la diaspora, une explosion du commerce de l’électronique. Un modèle économique ultralibéral. Le Somaliland a aboli les impôts et les taxes sont très basses.
Le mal aimé de la communauté internationale
Cette contribution à la stabilité de la région est cependant mal récompensée. Juridiquement, le Somaliland n’existe pas. Sa souveraineté, autoproclamée en 1991, n’est reconnue par aucun pays. Sa reconnaissance internationale se heurte au dogme de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) sur l’intangibilité des frontières coloniales. En réalité, cette loi a déjà subi quelques coups de canif (Erythrée), de sorte qu’il faut voir davantage l’opposition des voisins directs (Yémen, Arabie saoudite, Djibouti) qui tous ont des ambitions politiques dans la région. Même le grand ami éthiopien se satisfait d’avoir à sa porte un Etat affaibli. En attendant des jours meilleurs, les compatriotes du feu président Ibrahim Egal peuvent se satisfaire d’être le seul pays au monde à avoir une dette de zéro centime.