En Espagne, un détenu étranger sur trois est marocain !


Lecture 5 min.
Prison
Prison

L’Espagne, à l’instar de nombreux pays de l’Union européenne, connaît depuis plusieurs années une augmentation notable des flux migratoires. Cette vague migratoire, alimentée par des crises politiques, économiques et humanitaires dans diverses régions du monde, a profondément marqué le paysage social et économique espagnol. Cependant, derrière les avantages économiques que peut apporter cette immigration se cache une réalité plus complexe, notamment visible dans les statistiques du système carcéral espagnol. Parmi les diverses nationalités présentes en Espagne, les Marocains forment aujourd’hui la première population étrangère dans les prisons ibériques, une situation qui suscite de plus en plus d’inquiétudes au sein de la société espagnole.

Selon les données obtenues via le Portail de Transparence du gouvernement espagnol, les étrangers représentent 31,4 % de la population carcérale du pays, soit un chiffre trois fois supérieur à leur proportion dans la population totale, qui atteint 12,7 %. Parmi ces détenus étrangers, les Marocains sont surreprésentés de manière flagrante. En effet, avec 5 471 détenus, ils constituent 29,5 % de la population carcérale étrangère, bien qu’ils ne représentent que 1,9 % de la population totale résidente en Espagne. Ce déséquilibre, où près d’un détenu étranger sur trois est d’origine marocaine, souligne une problématique complexe que le pays peine à résoudre.

Une surreprésentation marocaine préoccupante

Cette surreprésentation des Marocains dans les prisons espagnoles révèle plusieurs dynamiques. D’une part, elle soulève des questions sur l’intégration des immigrés marocains au sein de la société espagnole, alors que les efforts pour favoriser leur insertion dans le marché du travail et leur intégration sociale semblent insuffisants. En parallèle, elle interroge sur l’efficacité des politiques de sécurité et de prévention en Espagne, dans un contexte où les images de débarquements massifs sur les côtes méditerranéennes sont devenues familières.

Les autorités espagnoles, conscientes de cette réalité, font face à un défi de taille. D’un côté, elles doivent gérer la pression migratoire croissante, notamment en provenance du Maghreb, et de l’autre, elles sont confrontées à des questions de sécurité intérieure liées à cette surreprésentation des Marocains dans les prisons.

Cette situation est encore plus exacerbée dans certaines régions espagnoles, où la proportion de détenus étrangers est nettement plus élevée que dans le reste du pays. En Catalogne, par exemple, la moitié des détenus sont étrangers, tandis qu’à Madrid, ce chiffre atteint 42 %, des taux qui dépassent de loin la proportion d’étrangers dans la population résidente. Ces disparités régionales mettent en lumière une gestion inégale de l’immigration à travers le territoire, ainsi que la concentration de certaines communautés immigrées dans des zones spécifiques, souvent marquées par des difficultés économiques et sociales.

L’impact du narcotrafic sur la criminalité marocaine en Espagne

Outre les défis d’intégration et de sécurité, un autre facteur clé de cette surreprésentation des Marocains dans les prisons espagnoles est lié à la montée du narcotrafic. Ces dernières années, le détroit de Gibraltar, principal point de passage entre le Maroc et l’Espagne, est devenu un des principaux axes du trafic de drogue vers l’Europe. Le Maroc, l’un des plus grands producteurs mondiaux de résine de cannabis, voit un nombre croissant de ses ressortissants impliqués dans ce trafic illicite, qui alimente les réseaux criminels en Espagne. Récemment, le meurtre de deux officiers de la Guardia Civil dans les eaux territoriales espagnoles par des narcotrafiquants qui sont retournés au Maroc après leur crime fait la Une des médias espagnols.

Des opérations menées par les forces de l’ordre espagnoles ont révélé une augmentation significative des arrestations de citoyens marocains pour des délits liés au narcotrafic, que ce soit en tant que passeurs ou membres d’organisations criminelles bien établies sur les deux rives du détroit. En Andalousie, par exemple, les trafiquants marocains sont particulièrement actifs, contribuant à exacerber les tensions sécuritaires dans la région. Cette réalité explique en partie la surreprésentation des Marocains dans le système pénitentiaire espagnol.

Des efforts politiques insuffisants ?

Face à cette situation, des initiatives politiques tentent d’apporter des solutions. Yolanda Díaz, vice-présidente du gouvernement espagnol, a récemment proposé une régularisation de 500 000 immigrés, rappelant que José Luis Rodríguez Zapatero avait pris des mesures similaires durant son mandat. Cependant, ne résout pas  le problème de la criminalité ou de la surreprésentation des étrangers dans les prisons.

Un enjeu de politique intérieure et extérieure

Au-delà des frontières espagnoles, cette problématique migratoire et carcérale reflète également les relations entre l’Espagne et le Maroc. Le royaume marocain, étant à la fois un partenaire commercial majeur et un acteur clé dans la gestion des flux migratoires vers l’Europe, se trouve au cœur des négociations sur le contrôle des frontières et la coopération en matière de sécurité. Toutefois, cette interdépendance complexifie encore plus la gestion des flux de migrants marocains, qu’il s’agisse de nouveaux arrivants ou de ressortissants déjà installés en Espagne.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News