Nouvelle journée à haut risque en Egypte où les Frères musulmans prévoient de marcher à nouveau « pour leur survie ». De son côté, l’armée « déclare la mobilisation ».
Toutes les rues qui mènent vers les places Rabia Al-Adawiya et Al-Tahrir ont été bouclées par l’armée. Au Caire, les Frères musulmans se préparent à défier une nouvelle fois l’armée, après la grande prière de ce vendredi 30 août. Le journal de centre gauche égyptien, Al-Shourouk titre : « Les frères musulmans se battent aujourd’hui pour leur survie. L’armée déclare la mobilisation ».
A bout de souffle, il se pourrait que cette nouvelle mobilisation soit faible, à l’image de celle organisée la semaine passée, qui n’a rassemblé que quelques milliers de fidèles au parti islamiste. En cause, le nombre important de morts, plus de 800, durant les manifestations de soutien aux Frères musulmans, depuis la destitution le 3 juillet du Président Mohamed Morsi. Selon les confidences d’un ex-gradé de l’armée égyptienne, des individus armés s’infiltreraient dans les rangs des contestataires pacifiques, dans le but de semer le trouble et obliger l’armée, qui n’a pourtant pas pour habitude de tirer sur les civils, à faire usage de ses armes pour rétablir l’ordre. Elle sommerait toutefois, avant chaque tir, les manifestants à quitter les rangs pour ensuite neutraliser les fauteurs de troubles.
De plus, de nombreux dirigeants des Frères musulmans, dont le guide suprême Mohamed Badie, ont été arrêtés par les forces de l’ordre pour incitation au meurtre. Encore hier, jeudi 29 août, deux hauts dignitaires, parmi les derniers encore en liberté, ont été arrêtés, dont Mohamed Beltagi, l’un des plus corrosifs des orateurs et principal instigateur des mouvements de contestation favorables au Président destitué.
Maintenir les Frères dans la « légalité »
Le Premier ministre égyptien, Hazem el-Beblaoui, indiquait mardi 27 août, dans une interview à l’agence officielle égyptienne, être favorable au maintien de la légalité du mouvement des Frères musulmans. Cette légalisation permettrait, selon lui, de surveiller le mouvement plutôt que de le laisser agir dans la clandestinité.
Du côté du Parti Liberté et Justice (PLJ), la vitrine des Frères musulmans, ce discours est un aveu de faiblesse. « Monsieur el-Beblaoui s’est rendu compte qu’anéantir les Frères musulmans à coup de tueries et d’arrestations était bien plus difficile que ce qu’il avait imaginé », estime Mustapha al-Khateeb, responsable presse du PLJ. Il fait d’ailleurs le parallèle avec la répression que subissait la confrérie sous le régime de Hosni Moubarak. « La confrérie est habituée depuis longtemps à travailler sous des régimes répressifs », précise-t-il. « Je ne crois pas que des négociations soient possibles entre les Frères et le régime actuel car au sein de « l’Alliance anti-coup », nous refusons de négocier avec quiconque a été impliqué dans le coup d’état militaire ».
Il conclut en ces termes : « En réalité, je crois que cette déclaration ne va rien changer. Un tas de gens, de leaders de la confrérie, continuent d’être arrêtés sans raison jusqu’à aujourd’hui. Monsieur el-Beblaoui essaie simplement de faire croire à la communauté internationale qu’il renonce à ses méthodes répressives, mais je crois que les Egyptiens sont conscients de la véritable nature du régime dictatorial actuel ».
Jeux de rôles ou réelles victimes ?
La presse occidentale et la communauté internationale estiment que les Frères musulmans sont victimes d’une répression sanglante et que l’armée a bafoué les règles de démocratie instaurées dans le pays après la chute de Moubarak. Dans une interview accordée à Afrik.com, un ancien militaire égyptien rappelle que ce n’est pas l’armée qui a détrôné Morsi, mais bel et bien le peuple. A la veille de l’éviction du Président Morsi, les dignitaires religieux du pays, l’opposition, le mouvement « Tamarrod » ont pris une décision commune avec l’armée de répondre à la demande du peuple, après la gigantesque contestation du 30 juin 2013.
Une grande partie des Egyptiens et de la presse locale estiment que les Frères musulmans s’accordent à jouer le rôle de victimes et reprochent à la communauté internationale et la presse occidentale de ne pas relater les faits. Victimisation ou injustice ? Les Egyptiens sont certainement les plus aptes à juger de la situation assombrissante que vit actuellement le pays du Nil.