Le Ramadan réorganise traditionnellement la vie quotidienne en Égypte, et les chaînes de télévision rivalisent d’imagination pour séduire les familles qui se rassemblent le soir autour du petit écran. Cette année, les épisodes épousent davantage les préoccupations quotidiennes de la population.
Dans une luxueuse villa avec piscine, les acteurs de la série Hala Gim achèvent de tourner le 30e épisode de ce nouveau feuilleton du Ramadan, version 2017. Un thriller psychologique qui explore la corruption dans le milieu médical. Suspens et émotion sont au rendez-vous.
Pour cette saison « ramadanesque », les scénaristes multiplient les ressorts dramatiques car la concurrence est féroce : cette année, 33 séries ont été tournées en Égypte, leader du marché des feuilletons du Ramadan.
Faïz Rachouan, l’auteur de la série, s’est rendu lui aussi sur le plateau pour assister au tournage : « Depuis la révolution de 2011 en Égypte, il y a beaucoup plus d’audace dans les sujets traités, affirme-t-il. Une liberté inenvisageable auparavant. Ma série, par exemple, fait intervenir un personnage athée. On peut désormais évoquer plus facilement la religion ou la politique. » Une affirmation qui mérite quelques nuances, quand on sait que l’opposition a été totalement muselée par le pouvoir.
Selon l’ONG Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI), l’Égypte compterait 60 000 prisonniers politiques. Et si un feuilleton aborde la question des Frères musulmans pour la deuxième année consécutive, il le fait de manière très critique.
Les séries, une industrie lucrative
Les séries font en revanche la part belle au quotidien des Égyptiens. Reflet de la société et de ses préoccupations, toutes évoquent en arrière-fond les problèmes économiques que traverse le pays.
« Cette année, les séries ont coûté 100 millions d’euros, deux fois plus cher que l’an dernier en raison de la flottaison de la livre par rapport au dollar », explique Ahmed Saad el Deen, critique de cinéma, avant de préciser : « Mais cette industrie est lucrative et devrait rapporter au moins deux fois ce qu’elle a coûté, grâce aux publicités et aux rediffusions. »
Un rendez-vous presque sacré
Car chaque jour, des millions d’Égyptiens regardent avec passion les séries. Dans les rues du Caire, impossible d’échapper aux panneaux gigantesques sur lesquels s’affichent les visages expressifs des comédiens.
Manar Gad, jeune photographe cairote, regarde la télévision avec ses parents dans leur petit appartement décoré pour le Ramadan : des fanions orange au plafond, des guirlandes colorées et des fanous – ces fameuses lampes du mois de jeûne…
La mère et la fille assurent qu’elles tombent toujours d’accord sur les programmes. Pour Manar, les séries du Ramadan en famille, c’est sacré. « Je peux rester du coucher du soleil jusqu’au milieu de la nuit à regarder la télé avec mes parents, commente la jeune fille. Quatre ou cinq heures d’affilée. »
Deux fois plus que le temps habituellement passé devant les petits écrans. Les séries du Ramadan ont encore de belles nuits devant elles.
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