Qui succèdera à Alassane Ouattara au terme de l’élection présidentielle d’octobre 2020 ? Alors que certaines candidatures ont d’ores et déjà été annoncées, état des lieux de cette valse des prétendants au poste suprême.
Redevenir président de la République à 86 ans, tel est le pari fou dans lequel s’est lancé Henri Konan Bédié, ancien chef de l’Etat ivoirien (1993-1999), à un an de l’élection présidentielle prévue en octobre 2020. Le leader du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui évoquait pourtant le scrutin de 2010 comme un « dernier combat », a donc décidé il y a quelques semaines de se porter de nouveau candidat. Et compte sur son fidèle lieutenant, le professeur de cardiologie Maurice Kakou Guikahué, non pour surveiller son cœur fatigué, mais plutôt pour haranguer les foules, comme le 19 octobre dernier à Yamoussoukro.
Présenté par ce dernier comme un « homme de paix » et de « réconciliation vraie », dans une Côte d’Ivoire « en quête de consensus, de fraternité et de réconciliation », Henri Konan Bédié, « homme d’Etat à la stature internationale », représente pour ses supporteurs une « raison d’espérer dans des lendemains meilleurs ». A 85 ans aujourd’hui, le mot peut faire sourire. D’autant plus qu’en matière de réconciliation nationale, alors que les braises de la guerre civile de 2010-2011 sont encore chaudes, l’ancien président n’est peut-être pas la personne la plus indiquée. N’a-t-il pas remis sur le devant de la scène politique, cette année, le concept polémique d’ « ivoirité » ?
Maurice Kakou Guikahué le présente également comme un « homme de parole, sérieux, fiable et non menteur ». Là aussi, les propos laissent perplexes : il y a peu, Henri Konan Bédié a été pris en flagrant délit de « fake news », après avoir affirmé que le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel d’Alassane Ouattara, avait recruté des « Maliens » pour grossir les rangs d’un meeting organisé à Paris. Sans compter que l’ancien allié de l’actuel chef de l’Etat s’est rapproché ces derniers temps de leur adversaire commun d’hier : Laurent Gbagbo, sur lequel il compte pour récupérer son siège présidentiel.
Exemple le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron
Problème : ce dernier devrait se présenter à son compte. Ou, plus exactement, pour celui du Front populaire ivoirien (FPI), comme l’a annoncé l’ancien ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi, le 16 novembre dernier. Qui a présenté M. Gbagbo comme « le seul et unique candidat » du parti. Mais un candidat sur la tête duquel pèse une épée de Damoclès, puisque s’il a été acquitté en première instance par la Cour pénale internationale (CPI), dans son procès pour « crimes contre l’humanité » perpétrés lors de la guerre civile 2010-2011 (3 000 morts), l’ancien pensionnaire des geôles de La Haye pourrait faire face à un procès en appel. Pas idéal pour préparer une élection.
Lui aussi ancien allié et Premier ministre de Ouattara, Guillaume Soro a été le premier à annoncer sa candidature pour le scrutin présidentiel de l’an prochain. En prenant comme exemple le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, qui s’est lancé (victorieusement) dans la course présidentielle en 2017 : « Quand Macron lançait En Marche !, toute la classe politique était unanime [pour dire] qu’il ne serait jamais Président. […] J’ai décidé de prendre mon destin en main. J’ai 47 ans et je pense que je ferai cavalier seul », a déclaré l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, qui a décidé pour l’occasion de créer sa propre structure, Générations et peuples solidaires (GPS).
Le souci (de taille), c’est que le candidat, depuis quelques mois, navigue un peu à vue, sans réel programme. Comme Emmanuel Macron, répondra-t-il. Sauf que l’ancien ministre de l’Economie français n’avait pas un passé aussi sulfureux que lui, l’ancien « seigneur de guerre », qui est accusé d’avoir participé à une tentative avortée de putsch contre le Président burkinabè, Blaise Compaoré, en novembre 2014. Lorsqu’il ne se livrait pas à la rébellion armée en 2002, dans le nord ivoirien, émaillée de violences en tout genre et de pillages – l’association des Victimes de Guillaume Soro (VGS) a d’ailleurs porté plainte contre lui et pourrait représenter un sacré caillou dans sa chaussure en vue de la Présidentielle.
Enfin, du côté du parti présidentiel, Amadou Gon Coulibaly apparaît comme l’ « héritier » politique d’Alassane Ouattara. Pourtant, l’actuel Premier ministre ne fait pas l’unanimité au sein du RHDP, dont certains cadres estiment qu’il ne représente pas assez bien la coalition au pouvoir. Mais ce dernier pourrait s’appuyer sur le bilan du Président Ouattara, qui a su pacifier le pays et lui redonner des couleurs (économiques notamment). Quid du Président en exercice ? S’il se dit prêt à « transférer le pouvoir à une nouvelle génération », il ne le fera que si tous ceux de sa génération décident d’en faire autant, et qu’aucun d’eux ne se présente. Autrement dit, si l’un d’eux décide d’être candidat, il se pourrait fort bien qu’il le soit aussi, ce que lui permet la Constitution après le vote de 2016…