Du 5 au 7 décembre, les Etats généraux de la communication se sont tenus à Yaoundé, la capitale du Cameroun. L’occasion de réaliser notamment l’état des lieux du journalisme, ainsi que de faire l’inventaire des conditions de travail des journalistes africains. Les chiffres sont accablants : selon Reporters sans frontières (RSF), en 2012, pas moins de 40 journalistes sont emprisonnés en Afrique. L’association déplore, par ailleurs, les conditions précaires des journalistes africains pendant les conflits, notamment en Côte d’Ivoire. Un contexte délétère qui a des effets néfastes sur la profession et, parfois, bâillonne les journalistes, comme au Nord-Kivu (à l’Est de la République démocratique du Congo, RDC) ou encore en Casamance, au Sénégal.
Le journalisme est un métier à risque. Davantage, en période de conflits. En Afrique, les journalistes font au quotidien face à des conditions de travail déplorables. Lors des Etats généraux de la communication tenus du 5 au 7 décembre à Yaoundé, la capitale du Cameroun, les participants ont notamment planché sur les voies d’amélioration du travail des journalistes. Car, en cette fin d’année 2012, il est de plus en plus difficile d’exercer sa profession en zone de conflit.
RDC : l’étau se resserre sur les journalistes
Par exemple, au Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). « J’ai posé une question dérangeante ; ce qui m’a valu une convocation pour un rappel à ordre », confie à Afrik.com une journaliste locale. « J’ai reçus plusieurs coups de fil d’intimidation de la part des autorités, pour me menacer afin que je ne diffuse pas l’information gênante », ajoute-elle. Et de conclure : « Quand tu ne poses pas les questions qui les favorisent, ils te taxent de rouler pour le M23, ils disent que nous (journalistes, ndlr) sommes complices des rebelles ».
Les organismes africains de défense des droits des journalistes font le même constat, et ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Parmi eux, Journaliste en danger, cette association de promotion de la liberté de la presse s’insurge contre « un climat défavorable qui empêche le développement de la liberté d’action des journalistes », nous indique Tuver Wundi, un de ses représentants. « Les journalistes subissent des pressions, poursuit-il, sont menacés, torturés voire emprisonnés ». Et de fustiger le manque d’un cadre légal et législatif congolais qui favorise l’improvisation en matière de liberté de la presse.
A Goma, la capitale du Nourd-Kivu, les journalistes se plaignent également de restrictions de la liberté d’expression. « Les conditions ne sont pas bonnes. Même pour accéder aux sources, c’est compliqué », témoigne un journaliste. « La liberté d’expression ? On est pas libres, on ne peut pas tout dire, et physiquement, on peut s’attendre à tout », dénonce-t-il. En RDC, certains médias ont été interdits d’émettre, comme la chaîne de télévision de l’opposition congolaise RLTV de Roger Lumbala, proche du candidat déchu à l’élection présidentielle Etienne Tshisekedi, qui a été interdite de diffusion. Pire, certains journalistes sont mêmes jetés en prison : « trois journalistes ont été arrêtés par l’agence nationale de renseignement et sont enfermés pour avoir donné la parole à un militaire qui a déserté et devenu rebelle dans la région de Kasaï-Occidental », dénote l’association Journaliste en danger.
Sénégal : les journalistes sous surveillance
La République démocratique du Congo n’est pas actuellement le seul terrain de conflit en Afrique, donc pas le seul lieu de privation de la liberté d’expression dans le continent. En Casamance, dans le Sud-Ouest du Sénégal, les journalistes ont aussi du mal à travailler à cause de la pression des rebelles.
L’envoyé spécial d’Afrik.com, qui a couvert la libération des 7 militaires et un sapeur pompier retenus depuis plus d’un an par les forces démocratiques de la Casamance (MFDC), raconte les contraintes dont il s’est confrontées : « La difficulté rencontrée, c’est quand les autorités militaires sénégalaises m’ont renvoyé de la route parce qu’elles savaient que j’allais rencontrer Salif Sadio (le chef rebelle, ndlr). Pour ne pas rater cette occasion j’ai été obligé d’aller jusqu’à Banjul pour rejoindre clandestinement une des bases de Salif Sadio située non loin de la frontière entre la Gambie et le Sénégal ». Etais-tu libre de tes faits et gestes ? « Après avoir passé plusieurs check point, érigés par les hommes de Salif Sadio, qui étaient informés d’avance de notre venue, je n’étais pas libre dans le camp de tout mouvement pendant les deux jours passés là-bas avant la libération des soldats. Parce qu’à chaque fois que je voulais passer un coup de fil, il fallait une autorisation ». « Par contre, le jour de la cérémonie de la libération des soldats c’est-à-dire le troisième jour, on a été libres de tous mouvements », conclut-il en soulignant qu’il n’a pas été victime de mauvais traitement.
Côte d’Ivoire : les journalistes pris en otage
Pendant la période de crise post-électorale, en Côte d’Ivoire, les conditions de travail des journalistes étaient terrifiantes, terribles et difficiles. Interrogé par Afrik.com, Ambroise Pierre, le responsable du Bureau Afrique à Reporters sans frontières (RSF) souligne deux phases critiques. Entre Fin novembre 2010 et mars 2011, « la contestation électorale a eu un effet sur la façon de faire le journalisme, il était difficile de travailler à cause des intimidations et autres pressions », nous fait-il part. « Et, pendant les dix jours de guerre civile, c’était impossible de se déplacer à Abidjan, la presse a arrêté de faire son travail, les journalistes restaient à l’hôtel, la presse écrite a cessé de publier », ajoute-t-il. Et de conclure : « les journalistes et citoyens écrivaient sur les réseaux sociaux et les fils infos des grands médias reprenaient ces témoignages ».
En période de conflits, les médias sont souvent pris en otage. Ils sont alors instrumentalisés pour faire de la propagande. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, on a eu affaire à deux hommes -Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara- et à deux médias : d’un côté, l’audiovisuel public a servi de machine de guerre pour le président sortant, et de l’autre, la Télévision de Côte d’Ivoire (TCI) a été créée pour faire l’éloge du président élu. Un conflit qui a coûté la vie à au moins deux journalistes : un collaborateur des méfias, travaillant à l’imprimerie du journal pro-Gbagbo, a été assassiné fin février 2010 et un animateur de Radio Yopougon a été exécuté par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) en mai 2011. Selon Reporters sans frontières, pas moins de 40 journalistes sont actuellement emprisonnés en Afrique.