Bien que l’Afrique fasse d’excellents progrès en matière de lutte contre le VIH/SIDA, l’épidémie menace plus la croissance et la survie des jeunes filles que celles des jeunes hommes, a prévenu le directeur exécutif de l’ONUSIDA, M. Peter Piot.
« Les jeunes femmes et les adolescentes sont de loin plus infectées que les garçons et les hommes jeunes du même âge. Elles ne sont pas contaminées par les garçons de leur âge mais par des hommes plus âgés », a déclaré Peter Piot, directeur exécutif de l’ONUSIDA, mercredi à la PANA à Addis-Abeba. A titre d’exemple, une jeune fille de 18 ans en Afrique risque six à 10 fois plus qu’un garçon de son âge d’être infectées par le VIH.
« Le VIH est dans la plupart des cas propagé en premier lieu par la transmission sexuelle et donc est lié au comportement sexuel. Mais dans beaucoup de régions du continent, cette propagation est beaucoup plus liée aux inégalités. C’est dans les pays du Sud de l’Afrique où on constate les plus fortes inégalités, non seulement une inégalité économique mais aussi une inégalité entre les hommes et les femmes et la violence sexuelle », a observé M. Piot.
Toutefois, le patron de l’ONUSIDA a souligné que plusieurs pays d’Afrique orientale et australe ont enregistré une baisse concernant les nouvelles infections et davantage de personnes ont accès au traitement.
« Des signes de progrès sérieux sont notés. Nous entrons dans une nouvelle phase dans la lutte contre le SIDA et pour la première fois nous avons de vrais résultats ». « En Afrique, deux millions de personnes sont sous traitement antirétroviral (ARV), mais il y a cinq ans, elles étaient moins de 100.000. C’est un progrès remarquable même si quatre millions d’autres, au total, en ont aussi besoin » a souligné M. Piot.
Prévoir un financement
M. Piot a déclaré à l’Assemblée générale annuelle de la Conférence des ministre de l’Economie et des Finances de l’Union africaine (UA) et de la Conférence des ministres des Finances, du Plan et du Développement économique de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) que les gouvernements doivent examiner les dépenses futures en matières de VIH/SIDA.
« Dans la nouvelle phase nous devons commencer à penser sur le long terme. Le SIDA sera avec nous pendant encore plusieurs décennies », a-t-il prévenu. M. Piot a dit aux ministres qu’ils ont un rôle très important à jouer en terme de contrôle de la propagation du VIH.
Les patients qui sont sous traitement aujourd’hui devraient survivre pendant 10, 20 ou 30 ans, a-t-il noté, mais les questions que se posent tous ces gens sont les suivantes: « qui va payer pendant tout ce temps? Comment tout cela sera organisé tout cela ? ».
D’après les estimations de l’ONUSIDA, les programmes de lutte contre ce fléau en Afrique ont besoin actuellement d’un financement s’élevant à 4 milliards de dollars US, y compris les fonds débloqués par le Fonds mondial et le Fonds du président américain, en plus des allocations tirées des budgets locaux.
« Toutefois un déficit financier subsiste. Il n’y a pas assez d’argent pour offrir un traitement à tous les Africains qui en ont besoin. Nous estimons que d’ici à 2010, environ 7,5 milliards de dollars seraient nécessaires », a expliqué M. Piot.
Une nécessaire prévention
Prenant l’Ethiopie comme exemple, M. Piot a dit que tous les mois environ 10.000 personnes sont infectées par le VIH et tous les mois environ 4.000 personnes accèdent pour la première fois au traitement.
« C’est une bonne chose mais le déséquilibre se creuse. Nous ne pouvons stopper cette épidémie par le traitement. Nous ne pouvons stopper le VIH que par la prévention ».
« Des millions de personnes ont été dépistées, des conversations communautaires sont engagées sur la question et de fortes initiatives existent en ce sens. Mais le SIDA reste la première cause de décès en Afrique. Le paludisme occupe la seconde place, suivie de la pneumonie. Ce qui indique que la crise persiste », a déploré M. Piot. L’année dernière, 1,9 million d’africains sont morts de causes liées au SIDA.
« C’est une crise à tout point de vue. Et c’est pourquoi les gens qui en ont besoin n’ont pas accès au traitement. Sur les deux millions de personnes qui y ont accès, la plupart seraient mortes aujourd’hui sans le traitement », a-t-il ajouté.
M. Piot a cité le Botswana, la Namibie et le Rwanda comme des pays qui sont près à offrir un accès universel au traitement ARV.
« Dans ces pays, 80 à 90 pour cent des personnes qui en ont besoin ont accès au traitement. C’est mieux qu’aux Etats-Unis. Ce qui veut dire qu’on peut y parvenir. Mais nous disons aussi que dans la lutte contre le SIDA, nous devons penser sur le long terme et le lier aux autres efforts de développement », a-t-il dit.
Les pays africains les plus durement touchés par l’infection selon M. Piot sont le Swaziland, l’Afrique du Sud, le Lesotho et le Bostwana.
« Puis nous avons le Malawi, la Zambie, le Mozambique, la Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda – mais en Afrique de l’Ouest nous avons quelques pays avec des taux de prévalence faible, comme le Mali avec 1% et le Sénégal, 2%.
Attention aux charlatans
En dépit du fait que la maladie se propage généralement par l’hétérosexualité, M. Piot a noté que les chiffres à travers le continent montrent que ce ne sont pas les plus pauvres qui sont les plus infectés par le VIH. « Ce sont ceux qui ont de hauts revenus. Mais quand on est pauvre et infecté par le VIH, c’est terrible », a-t-il dit.
M. Piot a aussi mis en garde les populations contre ceux qui créent de fausses illusions, en tentant de se faire de l’argent sur la misère des autres en affirmant qu’ils peuvent guérir le SIDA.
« C’est une bonne affaire pour les charlatans. A moins de preuves scientifiques, on ne doit pas vendre de telles substances ni les proposer aux gens », a-t-il averti.
Toutefois, il a reconnu que certaines médecines traditionnelles pouvaient atténuer des symptômes du VIH/SIDA tels que la diarrhée et les démangeaisons.