Par la résolution 1643, adoptée à l’unanimité le 15 décembre dernier, le Conseil de Sécurité de l’Onu appelle tous les Etats à interdire sur leur territoire l’introduction des diamants bruts en provenance de la Côte d’Ivoire. La résolution onusienne, reconduisant l’embargo sur les armes en direction du pays, affirme que les Forces Nouvelles se servent du commerce des diamants extraits au nord pour alimenter leur effort de guerre.
Par Vitraule Mboungou
Après la Sierra Léone il y a quelques années, la Côte d’Ivoire est accusée aujourd’hui, d’extraire et d’exporter les diamants dits « du sang ». S’appuyant sur le communiqué final de la réunion plénière du processus de Kimberley, interdisant la vente des diamants en provenance d’une zone de conflit, le Conseil de sécurité des Nations Unies appellent « tous les Etats à prendre des mesures contre l’importation de diamants bruts en provenance de Côte d’Ivoire ». Réunis à Moscou du 15 au 17 novembre dernier, les 69 pays signataires du processus ont estimé avoir suffisamment de preuves pour accuser la Côte d’ivoire d’extraire illégalement des diamants dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles, et de les mettre sur le marché international.
Un rapport, établi en septembre 2005 par l’ONG anglo-saxonne Global Witness, va plus loin encore, en affirmant que ce trafic constitue « le nerf de la guerre » de l’ancienne rébellion ivoirienne. Selon cette organisation, les Forces Nouvelles extraient jusqu’à 300 000 carats chaque année. Le ministre ivoirien des Mines et de l’Energie estime à environ 25 millions de dollars, soit plus de 40 milliards de F CFA, le revenu annuel de ce trafic qui permet aux ex-rebelles de financer leur effort de guerre. Trois villages ivoiriens sont particulièrement concernés par la production illicite de ces pierres précieuses, Séguéla, Bobi et Diarabala, mais également la région de Tortiya.
Le Mali montré du doigt pour complicité
Les diamants produits ainsi illégalement passent en contrebande à travers le Mali et la Guinée avant d’atteindre le marché international. Le Mali, contrairement à la Guinée et la Côte d’Ivoire, n’est pas signataire du processus de Kimberley, d’où la non vigilance face à la provenance des diamants achetés. Ce pays serait donc devenu, selon Global Witness, « une plaque tournante où sont vendus et achetés des diamants d’Afrique centrale et occidentale », en particulier de Sierra Léone et de Côte d’Ivoire. L’organisation britannique préconise d’envoyer dans ce pays un expert avant son adhésion annoncée au processus de Kimberley, afin de vérifier qu’il possède bien un système solide de contrôles internes. « En absence d’un système de contrôle national étroit, le Mali a le potentiel nécessaire pour blanchir les diamants de la guerre et alimenter l’instabilité en Afrique de l’Ouest », peut-on lire dans son rapport. Ce système de contrôle, tel qu’il existe actuellement, est caractérisé par un « certificat d’origine » délivré par les pays producteurs qui contrôlent la production et le transport des diamants bruts de la mine au point d’exportation.
Global Witness, la direction du processus de Kimberley et le Conseil de sécurité des Nations Unies appellent les Etats et les industriels du diamant à boycotter le diamant ivoirien accusé unanimement d’être des « diamants du sang ». Ils demandent aux pays voisins de vérifier l’origine des pierres qui se négocient sur leur territoire, d’identifier les filières concernées afin d’endiguer ce phénomène. Mais des précédentes enquêtes ont démontrés que ce trafic est également bénéfique à la grande criminalité internationale, trafiquants d’armes et même aux terroristes. Ainsi les agents d’Al-Qaïda auraient participé aux différents trafics de diamants en Afrique de l’ouest.
Exclure la Côte d’Ivoire du processus de Kimberley?
Déjà en 2003, grâce à la campagne de mobilisation de Global Witness, un système de certification avait été mis en place. Dans un souci de transparence, il était assorti d’un suivi des diamants depuis les mines jusqu’aux ateliers de polissage. Mais il semblerait que l’effort consentis pour ce combat ait été vain. Des pays signataires du processus de Kimberley, comme le Congo-Brazzaville, il y a un an, et la Côte d’Ivoire aujourd’hui, continuent le trafic illicite de ces pierres précieuses. La Côte d’Ivoire sera-t-elle exclue de ce processus comme l’a été le Congo en juillet 2004 ? Il semblerait que ce soit la seule riposte dont dispose la direction du processus pour punir les Etats transgressant le règlement établi en 2000 au moment de sa création. Pour sa part, Global Witness juge nécessaire de passer très vite de la menace à la sanction contre tous ceux qui continuent à tirer profit des « diamants du sang », industriels comme Etats.