ELOM 20CE : « Les Africains restent dignes envers et contre tout »


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Enom

Le dernier clip issu du 3e album INDIGO du rappeur Elom 20ce, « Comme un poison dans l’eau » vient de sortir cette semaine. Dans cette œuvre artistique filmée sur l’île de N’Gor, au Sénégal, et co-réalisée avec Blackaneze Films, l’artiste s’offre la compagnie d’une des pointures de la scène hip-hop francophone : Le Bavar, du groupe La Rumeur. Ensemble, les deux militants rendent hommage à Dona Ana Maria et Amilcar Cabral, militants de la cause guinéenne et cap-verdienne. Et ces deux frères d’armes nous rappellent des choses essentielles, comme la suivante : « La dernière bataille du colonisé sera celle des colonisés entre eux » comme le disait l’auteur Frantz Fanon.

 

Afrik.com : Pourquoi ce discours d’Amilcar Cabral à qui vous rendez largement hommage dans votre chanson?

Elom 20ce : Je l’ai choisi parce que c’est un discours qui est toujours d’actualité. Cet extrait dit tellement de choses, notamment que ce combat est double. Il faut autant faire face aux ennemis intérieurs qu’à ceux qui viennent de l’extérieur, ce n’est donc pas la couleur de la peau qui détermine l’oppression. Ce n’est pas par racisme et rejet de l’autre que nous demandons à être libre, mais par amour pour nous-même.

Afrik.com : Que signifie pour vous le titre de votre morceau « Comme un poison dans l’eau ? »

Elom 20ce : Cela signifie que notre art va au-delà du hip-hop et de la musique. Nous sommes je pense nocifs pour un système qui avilit l’être humain. Quand nous prenons l’exemple du continent africain, ces dernières années, le rôle qu’ont joué les artistes dans la déstabilisation de certains régimes autocratiques n’est plus à démontrer. Le groupe La Rumeur, par exemple, a sensibilisé et politisé beaucoup de gens, moi en particulier. Ils nous ont donné des outils pour mieux comprendre les enjeux socio-politiques de notre société. Etre un poison dans l’eau c’est comme Chaka Zulu aux Nations-Unies, défier leurs statistiques et être des tumeurs dans leur cerveau.

Afrik.com : Quel message véhicule l’introduction du clip où nous voyons deux danseurs, un homme en rouge et une femme en blanc ?

Elom 20ce : L’introduction raconte l’assassinat d’Amilcar Cabral, représenté par le danseur de krump Dexter. Le clip commence avec une femme qui se débat mais qui reste immobile. C’est l’épouse de Cabral, Dona Ana Maria, illustrée ici par la danseuse Alicia Gomis. Cabral a été tué devant sa femme, un soir en rentrant chez eux. Cette introduction raconte l’histoire méconnue de nos martyrs mais qui est importante pour comprendre la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

Afrik.com : Mais si Cabral est mort, pourquoi danse-t-il toujours dans le clip ?

Elom 20ce : Parce que je considère que tous ceux qui se sont battus pour l’Afrique et ne sont plus là physiquement, continuent à se battre pour nous dans l’au-delà. Je ne sais plus qui disait qu’on tuer les hommes mais pas leurs idées. Celles de Cabral survivent toujours et méritent d’être creusées.

Afrik.com : Pourquoi le choix de l’île de N’Gor, au Sénégal, pour le tournage de ce clip?

Elom 20ce : N’gor signifie, si je ne me trompe pas, « la terre des hommes dignes » et c’est ce que nous avons voulu montrer. Malgré tout ce qui a été fait à l’Afrique, nous sommes toujours là et dignes. Une dignité qu’on ne peut nous usurper. C’est comme lorsque je dis au début de mon couplet en Ewé dans cette chanson que « le meilleur des nageurs ne peut dormir sous l’eau ». L’Occident est certes fort, mais sa barbarie et sa férocité ne peuvent nous anéantir. C’est une évidence. Pour moi, N’Gor a quelque chose de mystique, elle n’a pas la même renommée que Gorée mais elle est chargée en vibrations ! Pour le clip, une fresque nommée « Place des Antilles » a été réalisée par le graffeur et militant Madzoo Fall, sur cette même île. Elle a été produite comme un pied de nez à « la place de l’Europe », érigée quelques mois plus tôt, à Gorée. N’Gor est également située au large des îles du Cap-Vert, dont est originaire Cabral.

Afrik.com : Pourquoi le choix de montrer des tissus africains et des masques dans ce clip ?

Elom 20ce : Parce qu’au-delà de l’esthétique, ils symbolisent la royauté, la force de notre culture qu’on nous a poussé à détester. Chacun de ses tissus représentent des parties de l’Afrique, aujourd’hui balkanisée. J’ai voulu faire une place aux ancêtres, via les masques. Tout cela pour dire, qu’à l’écran, vous nous voyez nous deux assis là, mais en réalité…

 

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