Elles acceptent que les coups pleuvent quand le dîner est brûlé, quand elles osent discuter les opinions de leur conjoint, ou qu’elles refusent les relations sexuelles. Cette culture du silence est principalement liée au statut infériorisé de la femme et l’acceptation sociale de ces violences. Les résultats de l’enquête du réseau d’écoute «Anaruz», au Maroc, sont choquants mais reflètent malheureusement la triste réalité.
Concernant la violence conjugale, sur les 3.648 plaintes enregistrées auprès des centres d’écoute membres d’Anaruz, réseau national des centres d’écoute des femmes victimes de violences (39 centres d’écoute et d’assistance juridique), 88,3% des cas sont relatifs à des violences perpétrées par des hommes avec lesquels les femmes plaignantes entretiennent des relations intimes (les maris dans 75,3% des cas). «Ces données confirment le constat mondial selon lequel les femmes sont plus menacées par leurs partenaires intimes que par des inconnus», indique Rabéa Naciri, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc, en présentant son intervention sur les «Violences à l’égard des filles et des femmes». Naciri citait des données fournies par le rapport Anaruz, daté de décembre 2006.
Trois facteurs expliquent les violences conjugales
Les violences conjugales (physiques, sexuelles, économiques et psychologiques) s’expliquent par trois principaux facteurs, à savoir le statut infériorisé des femmes et les relations de genre, le silence des victimes et l’acceptation sociale de ces violences; ainsi que l’impunité dont bénéficient les époux/partenaires agresseurs.
Une majorité des femmes mariées estiment qu’il est justifié que le mari batte sa femme dans certains cas. Pour elles, les raisons sont multiples: 55,9% discutent les opinions du mari, 55% sortent sans l’informer, 53,4% négligent les enfants, 48,5% refusent les relations sexuelles et 25,7% brûlent le repas (Voir tableau).
Seules les femmes instruites (niveau du secondaire et plus) et celles qui ont un travail rémunéré sont majoritaires à ne trouver aucune justification à la violence conjugale. Selon les données du rapport d’Anaruz «Les violences basées sur le genre au Maroc 2006», 75,5% des plaintes des femmes victimes de violence auprès des centres d’écoute relevant des ONG concernent des conseils/assistance juridique alors que 7% seulement d’entre elles ont déposé des requêtes auprès des institutions officielles concernées (tribunaux, police, gendarmerie, etc.). Parmi cette catégorie, 22,7% pour procédure longue, 39,7 pour difficultés d’exécution des jugements rendus et 37,6% pour jugements inéquitables. Ces données sont significatives du faible recours des femmes à la justice et de leur faible satisfaction par rapport aux jugements rendus.
Rappelons que pour lutter plus efficacement contre la violence à l’égard des femmes, un projet de loi est en préparation par le secrétariat d’Etat chargé de la famille
Fatim-Zahra Torhy, pour L’Economiste