Confrontée à de nombreux obstacles, l’Afrique subsaharienne peine à réussir son électrification. En cause notamment des périmètres géographiques et économiques trop faibles, mais que les Etats peuvent compenser par la mutualisation de leurs infrastructures et de leurs réseaux. Une démarche complexe mais très prometteuse si elle s’accompagne d’un cadre permettant d’attirer de nouvelles formes d’investissement.
Le constat est sans appel : malgré un dynamisme économique sans précédent sur les dix dernières années, l’Afrique subsaharienne affiche encore les plus bas taux d’électrification dans le monde. Proche de 100% en Afrique du Nord, la couverture moyenne chute à 32% en zone subsaharienne dont 14% en zones rurales. Et, avec des besoins tirés par une croissance démographique ainsi qu’un taux de croissance économique annuel moyen estimé à 5,3% entre 2015 et 2017 pour plus d’un milliard d’habitants, la tendance ne sera pas à l’amélioration. D’autre part, en plus d’être chère (le prix moyen du kilowattheure excède 10 centimes d’euros contre 5 en Asie), l’électricité délivrée se révèle peu fiable et sujette aux coupures à répétition. Bref, il faut réagir et sans tarder. D’autant que la Banque mondiale évalue le rattrapage du retard à un investissement de 40 milliards d’euros sur une période de … 10 ans !
La gestion mutualisée : déjà testée et validée
Il existe pourtant des solutions viables. En tête, la mutualisation des infrastructures énergétiques, meilleur moyen pour supporter un investissement lourd en coûts fixes. Alors, si au départ cette mise en commun génère certaines réticences comme la peur de l’abandon de souveraineté nationale lorsque le projet regroupe plusieurs pays, elle est contrebalancée par les ressources et les profits générés. D’ailleurs, la gestion commune d’infrastructures énergétiques existe déjà en zone subsaharienne et a même fait ses preuves. Rappelons qu’en 1972, l’exploitation du potentiel hydroélectrique du fleuve Sénégal a abouti à la création de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). La structure est gérée conjointement par le Sénégal, la Mauritanie, le Mali et plus récemment la Guinée. Et, si le barrage de Manantali se trouve au Mali, chaque pays membre de l’OMVS récupère sa part d’énergie produite en fonction de sa participation au financement de l’infrastructure. Simple et efficace.
Des capitaux privés pour relancer des projets en suspens
Dans la zone subsaharienne de l’Afrique, peu de pays ont les moyens d’investir dans les infrastructures permettant de couvrir les besoins nationaux en électricité. Un pays comme la République démocratique du Congo n’a, par exemple, ni la capacité financière, ni l’envergure économique pour financer un projet colossal comme celui de la construction du barrage Inga III. L’investissement privé devrait se substituer progressivement à la dette privée et à la dette souveraine. Un tel schéma pourrait être structuré par la vente sur le marché des capitaux des titres de propriétés des infrastructures à créer. D’autant que pour les investisseurs privés, le financement d’infrastructures énergétiques peut procurer des possibilités de rendements attractifs. Les taux de rentabilité en Afrique sont parmi les plus élevés au monde. A titre d’exemple, les rendements des obligations émises en Afrique sont supérieurs à ceux des pays industrialisés : alors que pour une durée de dix ans, et à maturité égale, la France émet des bons du trésor à un rendement inférieur à 0,5%, le Sénégal atteint 6,25% !
Véritable épine dorsale du développement de toute économie, l’électricité permettrait non seulement à l’Afrique subsaharienne de faire de sa puissance démographique une force et non plus un frein, mais relancerait par la même occasion l’économie européenne de manière décisive. Les investisseurs privés, qu’ils viennent d’Afrique ou d’ailleurs, doivent donc se tenir prêts à saisir, le cas échéant, les opportunités d’investissement dans de le secteur électrique subsaharien.
Par Birama Boubacar Sidibé, CEO d’Interface et ancien vice-président de la Banque islamique de développement (BID) et Sidy Diop, vice-président de Microeconomix, cabinet de conseil en expertise économique et régulation.