Au Liberia, l’élection présidentielle a livré son verdict, ce vendredi, avec la victoire de l’opposant, Joseph Boakai. Une victoire reconnue avec « élégance » par le Président sortant. Et Martin Fayulu s’est saisi de cet exemple pour adresser un message indirect à Félix Tshisekedi. Au-delà de la RDC, l’organisation des élections par les Présidents sortants pose problème en Afrique francophone.
Au Liberia, George Weah n’a pas attendu le résultat des 25 derniers bureaux de vote pour reconnaître publiquement sa défaite et féliciter son challenger. Vendredi soir déjà, l’ancien Ballon d’or a adressé un message à ses compatriotes et au dirigeant nouvellement élu. « Les résultats annoncés, ce soir, même s’ils ne sont pas définitifs, indiquent que M. Boakai a une avance que nous ne pouvons rattraper. Il y a quelques instants, j’ai parlé au Président élu, Joseph Boakai, pour le féliciter pour sa victoire. C’est le temps de l’élégance dans la défaite. Je vous appelle à suivre mon exemple et à accepter le résultat de l’élection. De mon côté, je vais continuer à travailler pour le bien du Liberia. Mettons derrière nous les divisions et travaillons ensemble pour notre nation. Que Dieu bénisse le Liberia », a-t-il déclaré.
Fayulu saisit la balle au bond
Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2018 en RDC, Martin Fayulu, qui n’a jamais reconnu la victoire de Félix Tshisekedi, est encore dans la course pour le scrutin du 20 décembre. Le cas libérien est pour lui un cas école dont devraient s’inspirer d’autres dirigeants du continent. « Qui a dit qu’en Afrique un président en exercice n’organise pas les élections pour les perdre ? Je salue l’indépendance, la transparence, l’intégrité et le courage de la Commission électorale nationale du Liberia. Je salue également le fair-play du Président George Weah. Que l’exemple du Liberia serve de leçon à d’autres pays/dirigeants », a tweeté le chef de l’ECiDé.
Dans le contexte électoral en RDC, il est difficile de ne pas voir en Félix Tshisekedi le véritable destinataire de ce message de Martin Fayulu. Surtout que ce dernier n’a jamais cru en la transparence du processus électoral en cours dans son pays. Ses appels pour un audit international du fichier électoral n’ont jamais abouti.
Élections : l’Afrique anglophone a une longueur d’avance
Le Liberia est un bel exemple dans une Afrique où les Présidents au pouvoir et candidats à leur propre succession ne perdent presque jamais les élections qu’ils organisent. Mais, ces mascarades électorales sont surtout le fait des dirigeants des pays francophones. Car, l’exemple que vient de donner George Weah s’observe de plus en plus dans les pays anglophones du continent.
En 2021, par exemple, le Zambien Edgar Lungu, candidat à sa propre succession a reconnu la victoire de son challenger, Hakainde Hichilema. Un an plus tôt, c’était le Malawi de Peter Mutharika qui s’est illustré par la défaite reconnue par le Président sortant face au pasteur Lazarus Chakwera après quelques soubresauts. Plus récemment, au Kenya, en 2022, Raila Odinga, le candidat soutenu par le Président sortant, Uhuru Kenyatta, a été battu par William Ruto.
Le papy Paul Biya et le doyen Denis Sassou N’Guesso
En Afrique francophone, il y a le papy camerounais, Paul Biya, qui vient de boucler 41 ans de pouvoir (depuis le 6 novembre 1982). Il y a aussi le doyen congolais, Denis Sassou N’Guesso, qui, après 12 ans au pouvoir (1979-1992) est revenu aux commandes depuis 1997. Soit 26 ans sans interruption, en plus des douze ans; ce qui lui fait 38 ans au pouvoir. Là, nous sommes en Afrique Centrale, où un certain Ali Bongo, qui réchauffait le fauteuil du clan Bongo, depuis 56 ans (2 décembre 1957), vient d’être déboulonné par un coup d’État.
Si on fait un tour en Afrique de l’Est, on retrouvera au Rwanda un Paul Kagame, qui a bouclé plus de 23 ans de pouvoir (20 avril 2000). En Afrique de l’Ouest résident aussi quelques Présidents qui refusent d’apprendre la leçon chez leurs voisins anglophones. Car au Ghana, au Liberia et même au Nigeria, pays anglophones, les transitions politiques se font sans résistance. Contrairement à des pays francophones comme le Togo, où Gnassingbé-fils (Faure) est au pouvoir depuis 2005, après le magistère de son père (Eyadema), qui a régné de 1967 à son décès, en 2005.
Alassane Ouattara et Alpha Condé, les tailleurs constitutionnels
Nous avons aussi des papys apprentis-sorciers, devenus des tailleurs constitutionnels. C’est le cas d’Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, 81 ans, au pouvoir depuis 2011. Mais qui a dû son salut à sa fonction de tailleur constitutionnel pour briguer un nouveau mandat. La même fonction qu’avait jouée son voisin guinéen Alpha Condé, sauf que cela ne lui a pas réussi. Le papy guinéen (85 ans) ayant été évincé du pouvoir après un coup d’État perpétré par Mamady Doumbouya, en 2021. Au Sénégal l’ancien jeune Président, Macky Sall attire l’attention.
En effet, après avoir obtenu deux mandats, qu’il va boucler en février 2024, conformément à la Constitution de son pays, le Président Sall s’en va. Et il doit organiser des élections auxquelles il ne prendra pas part, le 25 février 2024. Seulement, le Président sortant balise le terrain pour son dauphin Amadou Ba. A quel prix ? Au prix fort de la démocratie, s’il vous plaît ! Puisqu’il est de notoriété publique que Macky Sall a enclenché la machine judiciaire pour écarter de la course à la Présidentielle son principal challenger. Il s’agit d’Ousmane Sonko dont les chances de battre le candidat du camp présidentiel ne souffre d’aucun doute.
Macky Sall, un bourreau d’opposants
Sauf que le leader du parti dissout, Pastef, est en prison. Sa candidature gelée, ayant été radiée des listes électorales. La bataille judiciaire est enclenchée par ses conseils pour que leur client retrouve ses droits civiques. Seulement, le régime semble avoir pris les dispositions nécessaires pour garder l’opposant loin de la Présidentielle. Son éligibilité ayant été confiée au tribunal de grande instance de Dakar, après que la Cour suprême a cassé le verdict rendu par le tribunal de Zigunichor. Le juge Sabassy Faye, qui a osé restituer à Ousmane Sonko son éligibilité, fait aujourd’hui l’objet de traque.
Au-delà de toutes considérations, force est de reconnaître que Macky Sall est loin d’être un exemple en démocratie. Le dirigeant sénégalais s’est arrangé pour écarter de la dernière course à la Présidentielle deux poids lourds de l’échiquier politique de son pays. Deux « K » qui auraient pu l’inquiéter. Il s’agit de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, et le fils de l’ancien Président sénégalais, Karim Wade. Oui, de vrais cas mis hors de course par la machine judiciaire. Le même appareil qui sert aujourd’hui à envoyer à la guillotine le candidat Ousmane Sonko. Preuve d’une démocratie qui boite de plus en plus en Afrique francophone.