Pour la plupart des Congolais, c’était le tout premier vote. Le peuple congolais s’est rendu en masse aux bureaux de vote, dimanche, pour élire son nouveau chef d’Etat, ainsi que ses députés. A Kinshasa, c’est Jean-Pierre Bemba qui est donné en tête. Dans les provinces, on parle de Jospeh Kabila. Le scrutin s’est déroulé dans le calme même si plusieurs cas de fraudes et de tentatives de fraudes ont été observés.
De notre correspondante à Kinshasa, Lola Jessé
Bureau de vote de Bosangani, petit lycée. Ici, pas d’armes. Simplement des policiers en uniforme. Il est tôt ce dimanche 30 juillet, mais il y a déjà du monde. « Moi je suis là depuis 5 h ce matin. J’ai suivi la formation dispensée par la Commission électorale indépendante (CEI) pour encadrer les élections, et quand je suis arrivé ce matin pour prendre mon poste, on avait rayé mon nom de la liste des agents de la CEI. On a mis une autre personne à ma place. Quelqu’un de la famille d’un collègue… » Cet homme n’a pas l’air excédé pourtant l’apât est de taille : 70 dollars pour une journée de travail d’un employé de la CEI, ce qui représente déjà un bon salaire mensuel pour la majorité des Congolais. Certains de ces agents-là, en habit orange fluo marqué « CEI », ne sont donc pas préparés à encadrer les élections…
Dans ce bureau de vote, on attend 377 électeurs. A 8 h, presque 100 personnes ont déjà voté. Michèle quitte sa parcelle à 7h30. En passant devant le camp de Jean-Pierre Bemba, les militaires du candidat sont là. Comme chaque jour. Michèle passe le bras par la fenêtre de son véhicule pour les saluer, elle lève l’index et le majeur pour faire le signe 2. Deux, c’est la position de Bemba sur la liste des candidats à voter. C’est son choix. Les militaires la saluent en criant fièrement. A Kinshasa, on ne parle que du candidat numéro 2. Concernant les députés, c’est plus compliqué. Les électeurs ont le choix entre une centaine de candidats dans chaque commune de Kinshasa. Michèle avoue : « Je n’avais pas de candidat député favori. Alors j’ai pointé du doigt un visage au hasard, j’ai regardé la première lettre de son nom. « L ». Comme le mien. J’ai coché ». Les bulletins de vote sont au format A3, énormes à replier pour enfin les introduire dans l’urne. Les isoloirs sont en carton.
Quelques cas de fraudes
Dido a 18 ans. Il avoue s’être fait inscrire deux fois à Bandundu, là où il fait ses études. « Je me suis dis que s’il m’arrivait de perdre ma carte d’électeur, au moins j’en aurais une autre de côté. » C’est pour cela que les permiers résultats donnés par la CEI concernant l’inscription des électeurs avaient été réajustés par la suite, afin de refléter au mieux la réalité. D’ailleurs, au moment de l’inscription, il n’avait que 17 ans. Mais Dido ne votera pas ce matin. Il est venu à Kinshasa pour les vancances, voir sa famille. Après s’être renseigné, pas de place pour lui sur les listes d’électeurs. C’est à Bandundu qu’il doit se rendre. Il rentre, penaud.
Depuis le temps que les Congolais attendent ces élections, avec la tension de ces derniers jours, on aurait pu parier sur quelques irrégularités. Sans se tromper. Dans le camp militaire de Kabila, on a voté. Contre la règle en vigueur qui dit que tout militaire doit rester neutre, donc ne pas faire entendre sa voix. D’autres militaires se sont rendus aux bureaux de vote. Apercevant leurs collègues qui s’assuraient du bon déroulement du scrutin, ils ont pris leurs jambes à leur cou. Pire, on dit que des soldats du PPRD (parti de Jospeh Kabila) se seraient installés en tenue civile dans un bar de la capitale, dès 5 heures du matin. Ils auraient proposé à des électeurs 8 000 francs congolais, soit 16 dollars, contre leur parole de voter Kabila, numéro 7. Ceux-ci ont accepté, pensant bien que face à leur bulletin, ils seraient seuls dans l’isoloire. Mais ils n’avaient pas remarqué que leurs corrupteurs avaient bien pris soin de noter le numéro de leur carte d’électeur. Quand ces gens-là se sont présentés au bureau, on avait déjà voté à leur place… A Mbuji-Mayi, dans le Kasaï Oriental, un bureau de vote a été brûlé. La population votera lundi. Dans l’ensemble, il y aura donc eu plusieurs tentatives de fraudes, souvent jugulées par les Congolais, soucieux d’un scrutin libre et transparent. Les résultats sont officiellement prévus dans trois semaines. Et le deuxième tour, s’il y en a un, a été fixé au 29 octobre prochain.
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