La Côte d’Ivoire veut y croire. Les élections présidentielles de 2005 se tiendront le 29 novembre prochain. Les politiques et la société civile mettent tout en œuvre pour ne pas se retrouver en 2010, le spectre à éloigner. Le président ivoirien Laurent Gbagbo sera alors au terme de son second et dernier mandat.
Maintenant que la date des élections présidentielles est connue en Côte d’Ivoire, tous les acteurs de la scène politique et de la société civile se mobilisent pour tenir cette échéance. Surtout pour en échapper à une autre, celle de 2010, fin du mandat officiel de l’actuel président ivoirien Laurent Gbagbo. « Si un petit couac se présente, on va se
retrouver en 2010 », prévient Patrick N’Gouan, le coordinateur de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI). Les « Journées de consensus national », qui ont démarré ce vendredi à Abidjan, devraient parer à cette éventualité. Prévues à l’origine au mois de mars, elles rassembleront, jusqu’au 29 mai, « 400 personnes issues du secteur privé, des associations, des syndicats, de l’administration et des partis politiques », selon le représentant de la société civile. Objectif : « accélérer le processus de sortie de crise » et « mesurer la faisabilité du calendrier » électoral.
La société civile est aussi la priorité des ex-rebelles des Forces nouvelles (FN). Elles sont lancé la semaine dernière « une campagne de sensibilisation pour que prévale la non-violence aux cours des joutes électorales à venir », a tenu à préciser Sekongo Félicien, le conseiller spécial chargé des Affaires associatives du secrétaire général des FN, Guillaume Soro. S’adressant aux partis politiques, le président du Conseil économique et social (CES) leur a demandé jeudi de respecter le Code de bonne conduite qu’ils avaient signé le 25 avril 2008 en présence du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Les partis s’y engagent à respecter le verdict des urnes et ne pas faire usage de la violence lors de la campagne électorale.
A faire avant le 29 novembre
La Côte d’Ivoire est en quête de sérénité car de petits obstacles restent encore à surmonter avant le 29 novembre 2009. Ils concernent, entre autres, les opérations d’enrôlement et de recensement électoral qui ont déjà abouti, au 13 mai, à l’inscription de plus de 6 millions de personnes, soit 70% de l’électorat ivoirien. Cependant, il reste encore 2,5 millions d’Ivoiriens à enregistrer. Le Cadre permanent de concertation (CPC) de l’Accord politique de Ouagadougou (APO), réunissant les principaux leaders ivoiriens, a invité le 18 mai dernier lors de sa cinquième session, « les structures impliquées dans ces opérations à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de les mener rapidement à leur terme, notamment en mettant l’accent sur l’identification et l’enrôlement des citoyens des localités non encore visitées et de ceux vivant à l’étranger ». Après Abidjan, les opérations « de rattrapage, de ratissage », dans le cadre de l’identification des populations, ont repris ce vendredi dans le centre du pays, notamment dans la ville de Bouaké, fief de l’ex-rébellion.
Autre processus à finaliser : le déploiement des unités mixtes de police et de gendarmerie lancé le 5 mai. Composé de forces loyalistes et des ex-rebelles, elles sont chargées de sécuriser le scrutin électoral. Le redéploiement de l’administration sur l’ensemble du territoire a également pris du retard. Fixées par le CPC au 20 mai, les passations des charges entre les Commandants de zones issus des rangs des FN et le corps préfectoral a été reporté au 26 mai. Le premier se fera dans la région de Bouaké. Neuf zones sont aux mains des FN.
Les perles de Laurent Gbagbo Le président ivoirien a immanquablement le sens de la formule comme le démontre ses dernières déclarations, le 18 mai, lors de la 5e réunion du CPC qui s’est tenue à Ouagadougou. Avant la réunion du CPC : « Le 29 novembre n’est pas, pour moi, une date fétiche, parce que je ne sais pas comment les fétiches fonctionnent (rires de Blaise Compaoré et des journalistes). Mais je veux dire que nous avons fixé une date sûre pour les élections et nous allons veiller à ce que tout (l’installation des douanes, des procurateurs, l’ouverture des prisons déjà réhabilitées, le redéploiement de toute l’administration) soit mis en place jusqu’à cette date » A propos du retard dans le paiement de la Sagem qui assure l’établissement des listes électorales « Sagem parle de difficultés financières, mais est-ce que vous-mêmes, vous n’avez pas de problèmes d’argent dans votre famille? Et pourtant, votre famille continue de vivre. Les problèmes de paiement existent, on discute, on les règle et on avance. Vous savez, Houphouët-boigny avait dit : « Les plaies d’argent ne sont pas mortelles ». Aujourd’hui, je comprends que si ces plaies étaient mortelles, on serait mort depuis. » Source : Le quotidien ivoirien Notre Voie |
Eviter 2010 à tout prix
Le scepticisme ambiant se justifie même si les leaders politiques ivoiriens jouent la carte de l’optimisme. « Nous avons procédé à une analyse rigoureuse avec les structures en charge de conduire ces opérations (enrôlement, date de la publication de la liste électorale) et je pense que si la cadence actuelle est maintenue, si la bonne volonté existe, on peut y arriver », déclarait le 18 mai à Ouagadougou, Henri Konan Bédié, le leader du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et candidat déclaré à la présidentielle. Le secrétaire général de sa formation politique, Alphonse Djédjé Mady, s’est montré, lui, plus circonspect d’autant que le président de son parti fête, cette année, ses 75 ans. En 2010, il sera frappé par la limite d’âge. « C’est une bonne chose qu’on ait une date mais ce n’est pas la première fois qu’on en fixe une ». Pour lui, le 29 novembre doit être « une date réelle et non fictive ». Pas une « une manière de nous mener en bateau »,
de « nous emmener en 2010 ».
« Nous avons convenu que l’opération d’identification devrait prendre fin en juin (le 30) et que la liste électorale serait rendue publique en septembre. Et les cartes d’identité et les cartes d’électeurs seront disponibles en temps utile. Donc tout sera mis en œuvre pour que la campagne électorale démarre en mi-novembre », a commenté Alassane Ouattara, le président du Rassemblement des républicains (RDR).
Les ex-FN, elles, jouent la carte de la neutralité et de la responsabilité. « Quand on est à mon poste, a affirmé Guillaume Soro, le Premier ministre ivoirien et secrétaire général de l’ex-rébellion, il vaut mieux être optimiste car on est là pour apporter des solutions à des situations difficiles ».
Si la bonne volonté est incertaine, la technique l’est beaucoup plus et il ne devrait pas y avoir de problème à ce niveau, selon Paul Jainsky, le directeur de Sagem Sécurité, l’opérateur technique de l’identification des populations ivoirienne. Seul problème : les retards de paiement de l’Etat ivoirien. « Le 29 novembre est une échéance tout à fait tenable si chacun fait son travail. Et si les autorités ivoiriennes se délectent de leurs engagements. L’Etat ivoirien nous doit plusieurs dizaines de milliards de F CFA à ce jour ». En Côte d’Ivoire, l’argent semble être aussi devenu le nerf de la paix.
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