C’était la faillite des régimes des partis uniques qui avait conduit, dans les années 90, de nombreux pays africains à prendre l’engagement de réécrire leurs constitutions pour s’ouvrir à l’alternance par des élections démocratiques. L’objectif était de créer un environnement favorable à l’exercice de la diversité, au triomphe du consensus et à un véritable décollage économique, avec et pour les peuples. Vingt ans après, le bilan n’est guère brillant. C’est le désastre. L’euphorie s’est faite dribbler par la désillusion, et l’espérance par l’incertitude.
Dans la quasi totalité de nos pays, particulièrement ceux ayant eu la malchance d’avoir été colonisés par la France, on assiste à d’horribles mascarades électorales. Ici, c’est le fils qui succède au père dans des conditions rocambolesques. Là, c’est un militaire qui arrache le pouvoir par la force avant de se faire élire par la fraude. Ailleurs, c’est un vieil autocrate qui subtilise, par voix référendaire, le suffrage de son peuple pour se faire tailler sur mesure une Constitution lui donnant droit à des mandats sans limite. Ce sont là les « prouesses » du beau continent où les pays respectueux des règles du jeu démocratique sont plutôt rares.
L’élection présidentielle que vient de connaître le Gabon est l’une de ces épisodes désolants de la politique en Afrique. Ali Bongo succède à Omar Bongo. Demain, ce sera, peut-être, Karim Wade au Sénégal ou Gamal Moubarack en Egypte. Pourquoi pas ? Si ça a marché pour Joseph Kabila au Congo Kinshasa et Faure Gnassingbé au Togo ? Les Africains ont des soucis à se faire, face à l’émergence de cette Afrique des princes. Quand on sait que l’adage « Tel père, tel fils » n’est démenti que dans un cas sur mille, on ne devrait assister qu’à la réincarnation des vieilles dictatures dans des corps rajeunis.
Au Gabon, les barbouzes de la Françafrique – Robert Bourgi en est l’un des plus détestables – ont été très actifs. Les électeurs, ne voulant pas voir s’envoler l’unique opportunité de changement que leur offrait la mort de l’émir Omar, ont violemment protesté dans la limite du possible. Mais ils ont juste eu la force de conspuer la France et de dénier la légitimité d’Ali Bongo. Pas plus. L’opposition n’ayant pas préparé sa monture pour pousser loin le mouvement de la contestation.
Finalement, le peuple gabonnais va faire avec un président au rabais (41,73%….?) en qui transparaît une âme de laquais. Ce que Paris veut sous le ciel d’Afrique, Dieu le veut. Et, comble de paradoxe, l’Union Africaine y souscrit docilement. Elle ne prend jamais à contre-pied les turpitudes de la Françafrique sur le continent.
La France avide de ressources
La France, il faut le reconnaître, a amorcé son déclin et est désormais un pays en voie d’appauvrissement . Il lui faut maintenant trouver les ressources pour nourrir les ambitions de sa puissance décadente. D’où ce pillage massif du continent à qui elle prend beaucoup trop, en tout cas plus qu’elle ne lui donne. Mais en spoliant les Africains, en leur imposant des présidents qui n’ont aucun soutien populaire, les prédateurs français finiront par transformer les oppositions africaines,majoritairement pacifiques, en mouvements de Libération nationale.Ils devront par conséquent se préparer à affronter la une nouvelle francophobie
Si la France s’immisce avec mépris et arrogance dans nos affaires, si ses avocats opportunistes, « envoyés très spéciaux » de l’Elysée, se glissent dans nos urnes pour en sortir des présidents impopulaires, c’est parce que le terrain s’y prête. Dans cette tragédie, les élites intellectuelles et politiques africaines ont elles aussi leur part de responsabilité. Elles pêchent par manque de vision, de stratégies communes et surtout à cause des dérives partisanes. Pendant combien de siècles encore les Africains devront-ils se laisser manipuler. C’est la principale interrogation des peuples à qui la France dénie tout droit de choisir et de vivre libre. Cette France-là, la France des Robert Bourgi, mérite d’être crouée pour racisme, fourberie et opportunisme.
Kodjo EPOU
Washington DC (USA)