Plus de 23 millions de Sud-Africains vont voter, mercredi, pour choisir, pour la quatrième fois depuis la fin de l’Apartheid, en 1994, les députés du pays. Ces législatives vont conduire, en mai, à l’élection, par le Parlement, du nouveau président d’Afrique du Sud, première puissance économique du continent. Sauf surprise, Jacob Zuma, le leader de l’ANC devrait être désigné à la tête du pays. Mais son parti risque de perdre sa majorité des deux-tiers du Parlement.
Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis les premières élections multiraciales, il y a quinze ans, devrait remporter la majorité lors des législatives de ce mercredi en Afrique du Sud. Le parti est crédité de plus de 60% des intentions de vote, selon les derniers sondages. Son leader, le controversé Jacob Zuma, est assuré d’être le prochain chef d’Etat sud africain que le Parlement désignera le 6 mai prochain. Désormais, plus rien ne peut l’en empêcher. La justice a décidé, le 8 avril dernier, d’abandonner les poursuites pour fraudes et corruption qui pesaient contre lui depuis décembre 2007. Des « abus de pouvoir » commis par le responsable de l’enquête ont pu discréditer la procédure, a estimé le procureur général.
La présence, dimanche, au grand meeting du Congrès national africain, de Nelson Mandela, figure emblématique de la lutte anti-apartheid, a également constitué pour Jacob Zuma un véritable soutien moral. Dans son discours, prononcé devant plus de 100 000 sympathisants, le leader de l’ANC s’est voulu rassembleur. L’Afrique du Sud, a-t-il indiqué, « appartient à tous, Noirs et Blancs ». Pendant cette campagne, il n’a cessé de courtiser les Blancs qui ne représentent pourtant que 9% de la population sud-africaine, mais qui détiennent la puissance économique du pays. M. Zuma, grand tribun zoulou, avait déclaré que les Afrikaners, les descendants de colons hollandais étroitement liés au régime d’apartheid, étaient aussi Africains que les Zoulous.
«Nous utiliserons notre majorité avec responsabilité et nous ne foulerons pas aux pieds les droits des citoyens, ni n’obligerons les autres parties à se soumettre», a également promis le chef de l’ANC.
L’émergence du Cope affaiblit l’ANC
Sauf surprise, l’ANC devrait donc remporter les élections générales de ce mercredi. Seul bémol, le parti, qui compte 70% des députés depuis 2004, pourrait voir sa majorité réduite à environ 60%, en-dessous du seuil des deux-tiers requis pour procéder à des modifications constitutionnelles. Le parti de Nelson Mandela est, en effet, affaibli par l’émergence du Congrès du peuple (Cope) créé par des dissidents après la démission de Thabo Mbeki, ex-leader de l’ANC, à la tête du pays. «Avec l’apparition du Congrès du peuple (Cope), ces élections seront les plus concurrentielles depuis 1994 », explique Aubrey Matshiqi, un analyste politique cité par 20 Minutes.
Le Cope est, certes, encore jeune mais il pourrait réaliser un score de près de10% des suffrages exprimés, estiment certains observateurs. Avec le Democratic Alliance (DA), principal parti d’opposition en Afrique du Sud, les deux partis pourraient réunir assez de voix pour mettre fin à la suprématie absolue du parti de Jacob Zuma.
Les démêlées judiciaires du leader de l’ANC ont sérieusement détérioré l’image du parti. Collette Schulz-Herzenberg, de l’Institut of Security Studies, interrogé par Le Télégramme, estime que beaucoup «ne votent pas ANC par soutien sincère mais parce qu’ils ne regardent pas les autres partis». Plus de la moitié des électeurs ne pense pas que M. Zuma est complètement innocent dans ces affaires de corruption. Un récent sondage indique que 47% des électeurs font moins confiance au parti qu’en 1994.
« Eradiquer la pauvreté »
L’ANC a beau brandir ses réalisations : la construction de millions de logements sociaux, d’infrastructures routières et scolaires ; un meilleur accès à l’eau et à l’électricité ; une croissance soutenue de 5% sur les trois dernières années…. La Nation arc-en-ciel reste confrontée à de graves problèmes socio-économiques auxquels l’ANC, en quinze ans de pouvoir, n’a pu trouvé de solutions : 43% de la population vit toujours en dessous du seuil de la pauvreté, le taux de chômage reste très élevé. Il est situé entre 20% et 40% de la population active selon les sources. Environ 1 000 personnes meurent du Sida tous les jours. L’insécurité reste un fléau national, avec en moyenne 50 homicides commis par jour. Dimanche, lors du meeting auquel il a débarqué sans prévenir, Nelson Mandela a rappelé aux responsables de l’ANC que leur « première tâche est d’éradiquer la pauvreté et d’assurer une meilleure vie à tous ».
Tel sera l’objectif que ne devrait pas perdre de vue le controversé Jacob Zuma, qui se dirige vraisemblablement vers la présidence du pays organisateur de la prochaine Coupe du Monde, en 2010.
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