Les élections soudanaises sont un fiasco. Un constat qui s’explique par différents facteurs. Boycottage, fraude, désorganisation, ont entaché ce scrutin législatif, régional, local et présidentiel. Un rendez-vous primordial attendu depuis un quart de siècle.
Les élections soudanaises, dont l’enjeu est capital pour le pays, sont sous le feu des critiques depuis dimanche 11 avril, premier jour du scrutin. Un scrutin censé s’achever mardi 13 avril mais finalement prolongé de deux jours par la commission électorale afin de pallier certaines difficultés logistiques. Bulletins mal imprimés et mal distribués, citoyens non-enregistrés sur les listes électorales, ont, en effet, été le lot quotidien de nombreux bureaux de vote disséminés dans le pays.
La Fondation américaine Carter, l’Union européenne, l’Union africaine, la Ligue arabe et le Japon ont tous envoyé des observateurs sur place afin de s’assurer du bon déroulement du processus électoral. Des membres d’ONG soudanaises, également observateurs du scrutin, ont été expulsés, mercredi, par les forces de l’ordre de bureaux de vote au Sud-Soudan. La mission de l’Union Européenne avait retiré les siens du Darfour le 7 avril, jugeant la zone trop dangereuse.
Boycottées et ternies par des accusations de fraude de la part de l’opposition, ces élections semblent s’être vite essoufflées, avec un taux de participation ayant oscillé entre 40 et 67% les deux premiers jours. Une fraude d’ailleurs vivement démentie par Jimmy Carter et sa fondation. Aucune preuve ne permet, selon lui, d’appuyer ces accusations.
Boycottage et désintérêt
Pas besoin de preuve pour les deux principaux opposants. Yasser Arman, musulman laïque défendant les couleurs du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes) et Sadek Al-Mahdi, ancien premier ministre et chef du parti nationaliste Umma, ont préféré retirer leur candidature, le 2 mars dernier. Ils ont également lancé, mardi, un appel à l’annulation du scrutin jugé non démocratique, qui est resté sans réponse. Cette retraite de l’opposition devrait assurer une victoire aisée au président sortant Omar El-Béchir, membre du parti du Congrès National (NPC). « Ce sont les deux seuls qui auraient pu renverser le parti du Congrès National. Ceux qui restent ne font pas le poids et cela entame la légitimité de ce scrutin » explique Mohamed Nagi, rédacteur en chef de Sudan Tribune. « Pourquoi aller voter donc ? Les gens s’en fichent ! Soit ils votent pour lui, soit ils ne votent pas ! C’est pour cela que ce scrutin affiche si peu de participation », renchérit-il.
Annoncés le 20 avril, les résultats laissent cependant peu de suspense quant au dénouement de ce scrutin pourtant tant attendu par les 40 millions de Soudanais. Un scrutin qui n’est ni juste, ni libre, selon les opposants, alors que le président Béchir lui-même appelle les électeurs à la mobilisation.
L’enjeu est de taille pour El-Béchir qui espère enfin acquérir une légitimité par les urnes. Légitimité même capitale, puisque l’homme est, depuis un an, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale qui l’accuse de crimes de guerre et contre l’humanité au Darfour, région en proie à une guerre civile depuis sept ans. Voulant également consolider son pouvoir à l’intérieur du pays, il promet, mercredi, de tendre la main aux opposants en assurant inclure des partis d’opposition dans le futur gouvernement, s’il remporte les élections.
Qualifiées par avance d’historiques, ces élections remettent pour la première fois en jeu la gouvernance de responsables islamiques s’étant emparé du pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire en 1989. Omar El-Béchir, à la présidence du pays depuis cette date, en était le commanditaire. S’inscrivant dans la continuité des accords de paix signés à Nairobi, le 9 janvier 2005, entre Khartoum et l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), elles ont également pour but d’assurer une transition vers un régime démocratique qui sera en mesure d’organiser le référendum d’autodétermination prévu en janvier 2011 au Sud Soudan.
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