Même si les sondages et les médias français donnent favori et possible vainqueur Emmanuel Macron crédité de 54% des intentions de vote contre 46% pour Marine Le Pen, jamais la fille de Jean-Marie Le Pen et candidate du Rassemblement National n’a été si proche d’une victoire finale. Une grosse surprise est dans l’air et prête à exploser comme un boomerang en France. A l’image de la grosse surprise de la victoire d’un certain Donald Trump et bien avant lui, d’un certain Barack Obama aux USA ou encore un certain Matteo Salvini de la Ligue du Nord en Italie.
Dans une élection présidentielle dont on dit que c’est le rendez-vous d’un Homme avec son Peuple, il y a forcément là-dedans une dimension mystico-magico-religieuse. Et comme dit l’adage, jamais deux sans trois, 2022 est la troisième fois et peut être la bonne pour Marine Le Pen, par parallélisme des destins entre elle et un certain François Mitterrand (candidat malheureux en 1965, puis en 1974 et victorieux en 1981) où un certain Jacques Chirac (candidat malheureux en 1981 puis en 1988 et victorieux en 1995). Et au-delà des « noettas supérieures » pour parler comme les philosophes, retour dans le réel qui fonde la réalité objective de la possible victoire de Marine Le Pen qui est devenue, au fil du temps, une fauve politique à l’image d’un François Mitterrand et d’un Jacques Chirac. Oui, Marine Le Pen (23,1%, soit 8.133.828 votants au 1er tour), peut coiffer au poteau Emmanuel Macron (27,8%, soit 9.783.058 votants au 1er tour), au soir du 24 avril prochain.
Un parti d’Extrême droite « raisonné », une Marine Le Pen plus « réfléchie »
C’est ce qui a changé de 2012 à 2022 au sein de l’Extrême droite et chez Marine Le Pen. Un parti d’Extrême droite « raisonné », une Marine Le Pen plus « réfléchie ». Avant, c’était le Front national de Jean-Marie Le Pen avec en toile de fond, le racisme envers les Noirs et les Maghrébins d’une part et d’autre part l’antisémitisme. Ce fut une certaine idée de la France chrétienne aux racines gréco-latines… Aujourd’hui, c’est le Rassemblement national de Marine Le Pen, avec en toile de fond, une aversion à l’Islam et au radicalisme islamique, un racisme envers les Noirs et les Maghrébins plus subtile et un refus total d’être un gentil spectateur de la globalisation. Marine Le Pen et le Rassemblement national, c’est une certaine idée de la République française et laïque. Si le Front national de Jean-Marie Le Pen était surtout et davantage sur les questions identitaires, de sécurité et d’immigration comme thématiques politiques majeures, le Rassemblement national de Marine Le Pen, en plus de ces sujets évoqués, met le cap dorénavant sur les questions sociales, économiques et environnementales, au cœur de son offre programmatique.
D’année en année, depuis 2012, la base électorale résiduelle de Marine Le Pen et de l’extrême droite (aux alentours de 6 à 7 millions d’électeurs), ne cesse d’augmenter et de s’agrandir. En augmentant, elle est passée de 17% (6 millions 500 mille électeurs) en 2012, à quelque 21,90% au premier tour de la Présidentielle, puis 33,90% au second tour de la Présidentielle de 2017. En 2022, au premier tour de la Présidentielle du 10 avril dernier, l’électorat de Marine a été de 23,15% contre 21,30% en 2017 au premier tour de la Présidentielle. En s’agrandissant, le Rassemblement national s’est relativement bien ouvert à l’électorat juif, aux écologistes et aux déçus de la politique de Macron et de sa doctrine du mondialisme ultra-libéral.
Marine Le Pen a pris en charge et repris à son compte, durant toute sa campagne, dans ses thèmes programmatiques, les grandes questions qui préoccupent la communauté juive (sécurité) et les écologistes (l’écologie politique). Et politiquement, Marine Le Pen a grandi et a bien grandi. De la nationaliste-souverainiste de l’extrême droite, elle s’est muée en une nationaliste-révolutionnaire avant de devenir aujourd’hui une réformiste de centre droite ; et idéologiquement, elle est mieux structurée et « chimiquement pure ». Marine le Pen a fait sauter le plafond de verre au point que si hier, voter pour l’extrême droite était perçu comme un tabou moral, aujourd’hui, elle et le Rassemblement national paraissent comme la réponse à une France divisée. Ne soyez donc pas surpris que Marine Le Pen gagne le deuxième tour de la Présidentielle française qui aura lieu le 24 avril prochain. Pourquoi ?
Vers la fin du Techno-élitisme
En Occident et particulièrement en France, on assiste à un discrédit du discours politique. En Occident (en Europe comme aux USA), les critères de compétence académiques, technocratiques et de crédibilité d’un programme idéologique savant et sachant, ne sont plus les seuls critères de choix des électeurs et citoyens qui veulent et attendent des réponses simples aux problèmes complexes. Ajoutez à cela, la difficulté pour Macron et son régime -eux, la classe élitaire-, de comprendre et de décoder les mentalités populaires. Et c’est là que Marine Le Pen sera redoutable au second tour. D’autant plus dans l’intervalle, Marine Le Pen a travaillé les faveurs de la communauté des électeurs LGBT, en étant très mesurée et très modérée sur leur question, même si elle est contre la loi pour le mariage pour tous. Avec l’électorat juif, si son père qualifiait la Shoah de « détail de l’histoire », Marine Le Pen considère qu’il s’agit du « summum de la barbarie ».
Et de manière plus diffuse, pour la France de la révolution des idées –le siècle des lumières- qui va inspirer et donner naissance à la révolution scientifique et technique qui elle-même va donner naissance à la révolution numérique et technologique ; pour cette France qui a vécu et qui continue de vivre le traumatisme que fut Hitler et le 3ème Reich, voir arriver à la tête de cette France, un parti d’extrême droite, réveille en elle, les horreurs du nazisme et du fascisme, de la barbarie et de l’intolérance. Pour cette France de la « Liberté – Egalité – Fraternité », ce serait tout simplement, comme un blasphème. Et c’est pour cette « certaine idée de la France », la « Grandeur de la France » qui avait permis à Jacques Chirac de renverser Jean-Marie Le Pen au second tour de la Présidentielle de 2002. D’ailleurs, disait Jacques Chirac en 2002, « l’heure est à la gravité. Ce qui est en cause, ce sont les valeurs de la République, c’est l’idée même que nous nous faisons de l’homme et de la France ». Tout est dit.
Seulement, cette haute « idée de la France », parlerait et raisonnerait encore plus dans la tranche d’âge des 65 ans et plus qui ne représentent que 20,7% et dont la plupart,-hélas-, ont été emportée par la Covid, contre les 15 à 6O ans qui représentent 61,6% sur une population française estimée à 67,39 millions en 2020. C’est tout l’enjeu politique, idéologique et civilisationnel du vote du second tour de la Présidentielle française qui aura lieu le 24 avril 2022. On ne s’improvise pas candidat à une élection présidentielle, on s’y prépare. Et Marine Le Pen s’y est préparée deux ans avant. Et ce qui risque de se passer est que l’électorat ne va pas voter pour Marine Le Pen, mais contre Emmanuel Macron. Alors, attention aux illusions de l’entre-soi politico-médiatique.
Siré SY, Président du Think Tank Africa WorldWide Group
Enseignant en Géopolitique