Le plus vieux parti politique marocain doit élire son nouveau secrétaire général dimanche prochain. Deux concurrents sont en lice. Un duel sans précédent qui a amené le parti de l’Istiqlal au bord de la scission.
L’étau se resserre, le suspense est de mise. Qui succèdera à Abbas El Fassi à la tête de l’Istiqlal ? Ce sera sous haute surveillance que la ville de Skhirat accueillera dimanche 23 septembre le Conseil national chargé d’élire le nouveau secrétaire général (SG) du plus vieux parti marocain. Deux concurrents sont en lice : Abdelouahed El Fassi, membre du bureau exécutif du parti, et Hamid Chabat, maire de la ville de Fès depuis 2003, député de la circonscription Fès-Nord depuis 2002 et secrétaire général de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) depuis 2009.
Toute tentative de fraude a été écartée. Pour être validés, tous les bulletins de vote devront comporter le cachet et la signature du président du congrès, Mohamed Ansari. « Tout autre bulletin ne comportant ni cachet ni signature sera considéré comme nul », a déclaré ce dernier à la presse locale. Rien n’a été laissé au hasard, les 996 votants devront être munis de leurs cartes magnétiques conçues spécialement pour l’évènement accompagnées des cartes nationales d’identités. Il sera impossible pour les Istiqlaliens de voter à deux reprises. La photo numérique du votant sera barrée d’une croix rouge après son premier et unique passage aux urnes. Les isoloirs seront d’ailleurs découverts pour éviter là encore la moindre fraude. Les membres du comité exécutif seront élus le même jour. Et au cours de l’après-midi, le ténor du parti annoncera les résultats.
C’est lors d’une réunion orageuse du comité exécutif de l’Istiqlal lundi dernier que le déroulement de la séance de vote a été préparé. L’Istiqlal est le parti historique du royaume chérifien, fondé pour remplacer le protectorat colonial français contre une monarchie constitutionnelle. Depuis le mois de juin, le parti vit au rythme de discordes entre plusieurs factions. La plus vieille formation politique du pays frôle l’implosion.
L’Istiqlal, une histoire de famille
« Le peuple veut le changement », « Non au parti de la famille ! » ou encore « Le peuple dit non à l’hérédité ! ». Ces slogans sont ceux des militants du Mouvements du 20 février venus perturber le 16e congrès du parti qui s’est déroulé du 29 juin au 1er juillet 2012.
Alors que le seul candidat déclaré était Abdelouahed El Fassi – fils de Allal, leader historique de l’Istiqlal, cousin et beau-frère du leader actuel – était sur le point d’accéder au trône istiqlalien, voilà que Hamid Chabat met le feu aux poudres en présentant sa candidature. La candidature de Chabat viserait à mettre un terme à un parti dont fonctionnant telle une entreprise familiale. Ce qui a fait réagir Hamid Chabat est qu’au moment de la composition du gouvernement Benkirane, celui-ci souhaitait attribuer des postes dans l’exécutif à Abdelkader El Kihel, le secrétaire général de la jeunesse istiqlalienne, ou encore Ghalia Sebti, la présidente de la Fédération des entreprises d’artisanat. Abbas El Fassi et le comité exécutif s’y opposent et placent d’autres personnalités comme Mohamed El Ouafa, ministre de l’Education nationale, et Nizar Baraka, ministre de l’Economie et des Finances, respectivement beau-frère et gendre de Abbas El Fassi. C’en est de trop pour le maire de Fès qui entend mettre un terme à cette « oligarchie ». La guerre est alors déclarée.
Chabat, favoris ou pas ?
Les deux candidats se livrent depuis deux mois à une véritable course à la collecte du plus grand nombre de soutien. D’après le quotidien Al Alam, Hamid Chabat pourrait compter sur le soutien de 550 membres du conseil national sur un total de 998. Mais la balance peut se retourner contre lui et en faveur de Abdelouahed El Fassi. A l’instar de Abass El Fassi, nombreux sont les militants qui ne désirent pas Chabat à la tête de l’Istiqlal pour des raisons d’étiques. Hamid Chabat traîne dans sa valise des affaires « peu glorieuses ». Les fils du candidat font l’objet de poursuites judiciaires et selon certains istqlaliens, sa succession pourrait lui servir à couvrir ses arrières.
Un réel bras de fer entre deux clans, avec d’un côté les pro-Chabat et de l’autre les pro-El Fassi, s’est engagé. Tout est bon pour influencer les votes, jusqu’à divulguer les biens de chacun. Un jeu pour lequel le journal Al Massae s’est volontiers prêté en publiant la liste des biens de Abdelouahed El Fassi. Celui-ci dispose d’une villa partagée avec sa mère à Bir Kacem, quartier de Souissi à Rabat, un appartement en construction à Témara et une propriété à Akrach. En plus de son salaire de médecin cardiologue à l’hôpital Ibn Sina de Rabat, il perçoit une indemnité relative à son ancien poste de ministre de la Santé.
Alors que certains tentent de lui faire entendre raison, Hamid Chabat, lancé dans l’arène, compte se battre jusqu’au dernier souffle au risque de faire, cette fois-ci, imploser le parti. De son côté, Abdelouahed El Fassi a opté pour le silence. Après avoir sillonné les régions du royaume, qui aura finalement été le plus convaincant ? La réponse dimanche prochain.
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