Le chaâbi sera à l’honneur de la 7e nuit du ramadan de la ville de Paris. Le projet « El Gusto » réunit pour une poignée de spectacles des musiciens Algériens séparés par la guerre de libération à la fin des années 1950. Ils se retrouvent ce samedi à Paris, à Bercy, après un premier passage à Marseille et avant la sortie d’un album et d’un film.
L’histoire d’« El gusto » a commencé quand Safinez Bousbia a mis le nez sur une vieille photo jaunie de musiciens alors qu’elle se baladait dans la Casbah d’Alger. Qui sont-ils ? Des joueurs de chaâbi de la première moitié du siècle dernier séparés par la guerre d’indépendance. Les uns, « juifs », « pieds-noirs » ou les deux, ont quitté le pays où ils sont nés et gagné la France. Les autres, les « Indigènes » ou « Français musulmans », sont restés, prenant parfois les armes. Il n’en fallait pas plus pour que mûrisse dans le cerveau de la jeune algéro-irlandaise le projet de réunir ces musiciens, ainsi que les générations de joueurs de chaâbi qui leur ont succédé à Alger, Paris ou Marseille.
Le style chaâbi, en arabe, c’est le style « populaire » (chaâb signifie « peuple »). Il est né au début du siècle dernier de la musique arabo-andalouse, aussi appelée musique classique en Algérie, mais s’est affranchie de certaines de ses règles parfois rigides en ajoutant par exemple des instruments modernes aux orchestres ou en utilisant l’arabe dialectal et non plus littéraire pour le chant… Populaire quoi. Ses maîtres sont Hadj M’Hamed el Hanka, Amar Ezzahi, El Hachemi Guerouabi ou encore Dahmane el Harrachi pour ne citer qu’eux.
« Pour nous, ce sont des Algériens »
Le pianiste Maurice el Medioni, qui s’est installé après la guerre à Marseille, la 49e wilaya (région), plaisantent les Algériens, ou l’immense Maurice Hagege, Parisien depuis les années 40, seront de la fête. « Ils parlent comme nous, ont appris comme nous. Ils ont les mêmes proverbes que nous. Pour nous, ce sont des Algériens », dit de ses frères d’art le violoncelliste algérois Mohamed Ouaza, qui a traversé la Méditerranée pour participer au projet.
Tous seront à Paris samedi soir pour caresser les oreilles du public avec leurs envolées de oud, violoncelles, mandolines et derbouka. Ils se retrouveront pour une tournée internationale qui passera par Londres, Berlin et sans doute par les Etats-Unis. L’aventure « El Gusto » sera immortalisée dans un album enregistré au Conservatoire municipal d’Alger en 2006 (octobre 2007) et produit par Damon Albarn, le génial chanteur et compositeur du groupe britannique Blur et insatiable dévoreur de sons de la planète. Un film suivra, un peu plus tard, dans le courant de l’année 2008.