La victoire d’Omar el-Béchir était attendue. Après 21 ans passés à la tête du pays, le président soudanais a été reconduit à l’issue des premières élections multipartites depuis 1986. Un scrutin entaché par les fraudes et les affrontements au Sud-Soudan qui ont fait ce week-end, selon un dernier bilan, au moins 58 morts.
C’est sans grande surprise qu’Omar el-Béchir a été largement réélu, lundi, à la présidence. A l’issue des premières élections multipartites depuis 24 ans, il a obtenu 6,9 millions de votes sur les 10,1 millions de suffrages exprimés, soit 68,24% des voix. Une victoire qui semblait acquise depuis le retrait de ses deux principaux adversaires : Yasser Arman, appuyé par les anciens rebelles du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), et Sadek al-Mahdi, le chef du parti Umma. Le boycott de ces deux ténors avait été annoncé après l’impression contestée des bulletins de vote à la présidentielle. A l’occasion de ce scrutin, le président de la région semi-autonome, Salva Kiir (92,9% des voix), le chef des ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), a également conservé son poste.
L’Union européenne fait grise mine
« C’est une victoire pour tous les Soudanais », s’est enorgueilli M. el-Béchir, dans une allocution télévisée, durant laquelle il s’est engagé à organiser en janvier un référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan, une étape clé de l’application de l’accord de paix qui a mis fin en 2005 à 21 ans de guerre civile. L’Union européenne s’est quant à elle montrée plutôt réservée après l’annonce des résultats de ces élections, réaffirmant son soutien à la Cour pénale international (CPI) qui avait émis un mandat d’arrêt contre le président soudanais pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour. Elle a également insisté pour que le gouvernement du Soudan « coopère pleinement avec celle-ci ».
Depuis sept ans, cette région de l’ouest du Soudan est en proie à une guerre civile qui aurait fait, selon les estimations de l’ONU, 300 000 morts. Un bilan contesté par Khartoum qui évoque 10 000 décès et 2,7 millions de personnes déplacées dans des camps. M. el-Béchir, au pouvoir depuis 1989, souhaitait sortir vainqueur de ce scrutin afin de « prouver que les allégations contre lui sont fausses », avait expliqué la semaine dernière son bras droit, Nafie Ali Nafie, lors d’une conférence de presse. « Cela montrera sans l’ombre d’un doute que la population refuse les positions de la CPI (…) spécialement les Darfouris », avait-il ajouté.
Le Sud-Soudan compte ses morts
Reste que les affrontements se poursuivent au Darfour. Au moins 58 personnes ont été tuées lors des combats qui auraient opposé les soldats de l’armée du Sud-Soudan et des éleveurs, des « nomades arabes » du Darfour. « Des opérations ont été menées par la tribu Rizeigat et par l’armée du Sud-Soudan (SPLA). Je ne peux préciser qui a attaqué le premier mais ils se sont affrontés », a indiqué Mohamed Eissa Aliou, le chef tribal de Rizeigat, à Reuters. « Cela s’est produit vendredi et la tribu Rizeigat compte 58 morts et 85 blessés », a-t-il ajouté, précisant que les heurts se sont produits à Balballa, dans le sud du Darfour. Pour l’instant, la cause de ces violences demeure inconnue.
L’armée du Sud-Soudan avance que les « assaillants » n’étaient pas des membres des tribus nomades Rezeigat, mais des soldats de l’armée soudanaise. « Une compagnie de 120 soldats du SPLA a été attaquée vendredi soir par des hommes armés portant des uniformes de l’armée nordiste et lourdement équipés », a déclaré dimanche à l’AFP Malaak Ayuen Ajok, le porte-parole de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), les forces du gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan.
« Il y a eu d’autres combats aujourd’hui (dimanche). L’armée soudanaise a pris contrôle de notre base à Balballa, nos hommes se sont repliés », a ajouté le porte-parole militaire. « Nous n’avons pas de bilan, mais nous estimons qu’il y a des victimes au sein de nos troupes », a estimé M. Akok. Une information confirmée par le chef de la police du Darfour-Sud, Fateh Rahman, selon l’AFP. De son côté, l’armée soudanaise a nié toute implication dans des combats avec les forces sudistes. « Nous ne faisons pas partie de ces affrontements. Il s’agit de combats entre les arabes Rizeigat et le SPLA (armée sudiste). Nos hommes sont loin de ce secteur », a déclaré à l’AFP Sawarmi Khaled Saad, le porte-parole officiel de l’armée soudanaise.
Lors de son allocution télévisée de lundi, Omar el-Béchir n’a fait aucune allusion à ces affrontements, se disant même « fier (…) du comportement civilisé et respectueux dans ces élections qui n’ont connu ni accrochages, ni frictions ». Une vision de la situation qui ne semble pas être partagée par toute la population soudanaise.
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