Visé par un mandat d’arrêt international depuis mars 2009, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, le président du Soudan, Omar El-Béchir, pourrait être aussi accusé de génocide par la Cour pénale internationale (CPI). La Chambre pénale de La Haye a ordonné mercredi aux juges de la première instance de la CPI de revoir leur décision de ne pas retenir le génocide dans le mandat d’arrêt. Le gouvernement soudanais accuse la Cour de vouloir compromettre les élections d’avril.
Le débat reprend. La Cour d’appel internationale (CPI) de La Haye a cassé aujourd’hui la décision des juges de première instance du 4 mars 2009 en affirmant que des preuves suffisantes n’avaient pas été fournies. Une lacune qui aurait empêché de fonder une inculpation de génocide contre le président du Soudan depuis 1993, Omar El-Béchir. « La décision de la chambre préliminaire de ne pas délivrer de mandat pour le chef d’inculpation de génocide était entachée d’une erreur juridique et pour cette raison la chambre d’appel a décidé de casser cette décision », a déclaré le juge Erkki Kourula.
Les juges d’appel ont demandé mercredi aux magistrats de première instance de réexaminer leur décision concernant le mandat d’arrêt du Chef d’Etat et de « prendre une nouvelle décision en se basant sur une bonne administration de la norme de la preuve ».
Preuves suffisantes
Sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour sept chefs d’inculpation de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, le président était parvenu à éviter l’inculpation en raison du manque de preuves pour génocide.
La CPI estimait qu’il y a assez de preuves pour penser que le président est responsable de meurtres, viols, et tortures sur les populations du Darfour. Mais le mandat d’arrêt émis le 4 mars 2009 ne mentionne pas le crime le plus grave qu’est le génocide, les magistrats ayant estimé que les preuves à charge n’étaient pas suffisantes pour penser que le gouvernement soudanais avait l’intention de détruire des groupes ethniques tels que les Fur, les Masalit et les Zaghawa.
La guerre civile, qui a éclaté en 2003, a fait plus de 300 000 morts dans la province du Darfour, selon l’ONU. Pour le moment, la CPI accuse El-Béchir « d’être pénalement responsable, en tant que co-auteur indirect d’attaques intentionnellement dirigées contre une importante partie de la population civile du Darfour», les trois chefs d’accusation de génocide demandés par le procureur Moreno-Ocampo ayant précedemment été rejetés.
Elections compromises ?
A Khartoum, le ministre soudanais à l’Information, Kamal Obeid, a jugé que la procédure de la CPI « veut compromettre le processus politique au Soudan et les négociations en cours à Doha ».
À l’inverse, le Mouvement de Justice et Egalité (Jem), principale organisation rebelle du pays, a salué la décision de la chambre d’appel de la CPI. « C’est une bonne décision. Ce que nous avons vu sur le terrain au Darfour revient à un génocide », a déclaré le chef des négociateurs du Jem, Ahmed Tugud.
Prévues en avril prochain, le Soudan se dirige vers ses premières élections multipartites depuis 1986. Le gouvernement et des mouvements rebelles du Darfour sont actuellement à Doha où ils s’entretiennent avec le négociateur de l’Union africaine et de l’ONU, Djibril Bassolé, et les médiateurs qatariotes pour trouver un terrain d’entente avant d’entamer des pour parlers de paix.
C’est la première fois dans l’histoire qu’un chef d’Etat est visé par l’instance pénale internationale. Pour le moment, les chefs d’accusation n’ont pas permis l’arrestation du président. Ses déplacements à l’étranger ont tout de même été limités par crainte de s’y faire arrêter. La suite des événements permettra de savoir si l’accusation de génocide sera ajoutée aux charges déjà retenue contre le chef de l’Etat soudanais.