Egypte : Place Tahrir ou Place du harcèlement sexuel ?


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Deux ans après la révolution en Egypte, le pays reste encore très secoué par des crises profondes d’ordre économique et social. Au lendemain du départ de Moubarak, la situation des femmes reste encore très précaire. Aujourd’hui victimes de harcèlements sexuels, d’attouchement et parfois même de viols à la Place Tahrir, elles lèvent la voix et font savoir leur calvaire.

L’Egypte replonge dans la crise. Deux ans après la révolution égyptienne, le pays est toujours en proie à des bouleversements sporadiques qui menacent régulièrement la stabilité politique et sociale. Quelques jours après l’anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011, le pays connaît de nouveaux bouleversements politiques et économiques qui rendent de plus en plus tendus les relations entre partisans des Frères musulmans actuellement au pouvoir et opposants laïcs.

En effet, la décision de la Cour suprême égyptienne de condamner à mort vingt-et-une personnes samedi pour leur implication dans des affrontements qui avaient fait 74 morts à Port-Saïd l’an dernier a, semble-t-il, jeté de l’huile sur le feu. Certains saluent le verdict qu’ils jugent juste, tandis que d’autres le rejettent et appellent à des vives manifestations contre le régime en place. Le pays tout entier entre en transe.

Au moment où les Egyptiens se battent fréquemment pour faire entendre leurs voix, les femmes, elles, font les frais et s’exposent fréquemment à des harcèlements sexuels.

Place Tahrir nouveau calvaire des femmes

En effet, l’emblématique Place Tahrir, symbole d’unité pour des milliers d’Egyptiens qui s’y réunissent pour réclamer de meilleures conditions de vie est en passe de devenir un véritable calvaire pour les femmes. De plus en plus exposées à des harcèlements sexuels et même des viols, elles décident de rompre le silence afin d’éviter que la fameuse Place Tahrir ne devienne « la Place du viol ».

Mardi, le groupe égyptien anti-harcèlement sexuel, OpAntiSH (Operation Anti-Sexual Harassment Group) a tiré la sonnette d’alarme et a dénoncé l’incapacité des partis révolutionnaires et politiques égyptiens à mener un combat digne pour protéger les femmes qui manifestent au niveau de la place. Il délivre un constat assez alarmant.

Selon le groupe, de nombreuses scènes de harcèlements sexuels ont été enregistrées à Tahrir le vendredi dernier et d’horribles crimes sexuels ont été commis sur des femmes au niveau de la place et aux alentours. Le groupe parle d’attaques sexuelles organisées et se dit prêt à se battre contre tout type de violence faite aux femmes.

Une information que certains semblent démentir. Porte-parole du parti égyptien Popular Current (Courant Populaire) formé en septembre 2012, Heba Yasin déclare que les mouvements révolutionnaires font de leur mieux pour assurer la sécurité au niveau de la place et avoue qu’il n’a jamais été témoin d’un quelconque harcèlement sexuel à la Place Tahrir.

Interrogée par le journal Afrik.com sur la véracité des faits, une femme membre de l’association féministe égyptienne Nazra, qui lutte ardemment pour le respect des droits des femmes, confirme ces harcèlements. « Il y a effectivement des harcèlements qui sont faits aux femmes présentes sur la Place Tahrir. Certaines d’entre elles sont harcelées et d’autres violées » a-t-elle déclaré sous couvert d’anonymat.

Les femmes passent aux aveux

Place Tahrir ou Place de la Honte. La Place Tahrir est devenue aujourd’hui le calvaire de nombreuses femmes journalistes occidentales ou égyptiennes qui s’y rendent pour exercer leurs métiers. Les agressions et les viols se multiplient. Les témoignages des victimes sont légion.

Déjà en Novembre 2011, une journaliste française de France 3, Caroline Sinz, avait été victime d’une agression sexuelle. Une agression qu’elle a racontée à la fin de son reportage.
« Nous étions en train de filmer dans la rue Mohamed-Mahmoud quand nous avons été assaillis par des jeunes de quatorze et quinze ans » raconte-t-elle « faisant étant d’attouchement ». « Nous avons été agressés par une foule d’hommes. J’ai été tabassée par une meute de jeunes et d’adultes qui m’ont arraché les vêtements », a-t-elle ajouté.

Sonia Dridi, journaliste correspondante de France24 en Egypte, a également subi le même sort. Le 19 octobre dernier, elle déclare avoir été encerclée par une foule composée essentiellement de jeunes hommes, qui ont commencé à la toucher alors qu’elle intervenait en direct sur la chaîne d’information en continu.

Elle précise : « j’ai été agrippée de partout. J’ai réalisé plus tard que quelqu’un a reboutonné ma chemise, qu’elle était ouverte, mais pas déchirée. J’ai évité le pire grâce à la ceinture solide (que je portais) ».

Aujourd’hui, les harcèlements et agressions sexuelles faites aux femmes au niveau de la Place Tahrir et ailleurs en Egypte ne sont que la partie visible de l’iceberg. De nombreuses journalistes ont également fait l’objet de harcèlement.

La place Tahrir, qui fait encore la fierté de tout le peuple égyptien, est en passe de devenir le cauchemar de nombreuses femmes citoyennes et journalistes qui, pourtant, ont largement contribué à apporter leurs pierres à l’édifice du pays.

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