Détenu depuis le 28 mars 2011, Maikel Nabil, jeune blogueur égyptien, doit être jugé en appel mardi devant un tribunal militaire pour « insulte à l’armée » et « diffusion de fausses informations ». En grève de la faim depuis plus de quarante jours, pour protester contre sa condamnation, son état de santé serait critique selon sa famille.
Pour les Égyptiens, la révolution du 25 janvier devait ouvrir une nouvelle ère en Égypte. Une ère où les libertés individuelles seraient enfin garanties, le droit d’expression inscrit dans le marbre. Depuis, à la lumière de certains évènements, les désillusions sont nombreuses. L’arrestation de Maikel Nabil, le 28 mars 2011 en fait partie.
Détenu à la prison d’El-Marg, au nord du Caire, cet égyptien de 26 ans, copte par ailleurs, étudiant en droit et sciences politiques et membre du parti libéral du Front démocratique et pacifiste, a été condamné le 10 avril dernier à trois ans de prison ferme pour « insulte à l’armée » et « diffusion de fausses informations ». Il doit être jugé en appel, mardi, devant une cour militaire. Un procès était déjà prévu le 4 octobre mais a été reporté au 11, officiellement pour un problème de procédure. L’objet de son délit : des critiques acerbes à l’encontre de l’armée égyptienne, publiées sur son blog. « L’armée et le peuple n’ont jamais été une seule main », avait-il titré, dans un post dans lequel il dénonçait les exactions de la police militaire contre les manifestants.
« Peut-être qu’au moment où l’on parle, Maikel est déjà mort »
Depuis quarante-cinq jours, le jeune homme, observe une grève de la faim pour protester contre sa condamnation. Sa famille se dit très inquiète à son égard. « Peut-être qu’au moment où l’on parle, Maikel est déjà mort », a confié son père, Nabil Sanad Ibrahim, ému aux larmes, à la journaliste du quotidien La Croix. « Lorsque nous lui avons rendu visite pour la dernière fois, le 1er octobre, jour de son anniversaire, il nous a dit qu’il préférait mourir que de vivre dans un pays qui l’oppresse », a également indiqué son frère de 19 ans, Mark. Lequel a évoqué des tentatives de pression à son égard. « On a menacé de m’emprisonner si je ne me taisais pas et si je n’arrêtais pas de défendre mon frère. Qu’ils m’emprisonnent ! Cela ne me fait pas peur », a-t-il déclaré. Selon lui, si le procès est ajourné c’est parce que son frère risque de ne pas pouvoir tenir jusque là, compte tenu de son état de santé. « C’est une condamnation à mort ! Ils savent que Maikel risque de ne pas tenir jusqu’au procès. Il est passé de 60 à 47 kg, il ne peut plus marcher et souffre d’insuffisance rénale. » Or, en prison, Maikel ne dispose pas des soins suffisants. Les demandes de sa famille pour qu’il soit transféré dans un hôpital ont été rejetées. Leur droit de visite a été limité à une tous les quinze jours, sans possibilité de pouvoir communiquer avec lui par téléphone.
Arrêté avec une vingtaine d’autres activistes égyptiens, depuis tous relâchés, Maikel paierait son refus d’effectuer son service militaire. Quant à sa confession, chrétienne, elle n’en serait pas la cause assure sa famille, même si pour certains, c’est cet élément qui a permis à l’armée de le faire passer pour un agent de l’étranger. La sanction, lourde, se veut avant tout un avertissement à l’égard de tous les cyberdissidents.
« La dernière chance, pour les autorités, de montrer leur engagement envers les droits de l’homme, la justice, et la démocratie »
Reporters sans frontières a de nouveau appelé à sa libération récemment. « Le Conseil suprême des forces armés doit libérer Maikel Nabil Sanad. L’état de santé du net-citoyen, premier prisonnier de conscience depuis la chute de Hosni Moubarak, s’aggrave. Cet appel est la dernière chance, pour les autorités, de montrer leur engagement envers les droits de l’homme, la justice, et la démocratie. Le tribunal doit reconnaître que le blogueur a été injustement condamné par la cour martiale en raison de ses opinions et de ses articles », a déclaré RSF. L’ONG a également adressé une lettre au Procureur général, au Caire, demandant un droit de visite en prison à Maikel Nabil Sanad. Un courrier resté sans réponse.
En attendant, les appels pour sa libération se poursuivent, notamment en Égypte. Le 19 septembre dernier, une marche pacifique a eu lieu, au départ de la place Tahrir, pour demander la libération de Maikel Nabil et la fin des procès de civils en cour martiale. Sur la toile, les messages de soutien se multiplient. Sur la page Facebook de Maikel en premier lieu. Mais à la vieille du procès, l’inquiétude est réelle quant à son état de santé. Et son père de prévenir : si son fils vient à mourir, il poursuivra les autorités égyptiennes devant la Cour internationale de justice.