Hosni Moubarak a été réélu vendredi soir à la tête de l’Egypte, pour 6 ans, et avec 88,6% des voix. Une large victoire dont la légitimité est entachée par le très faible taux de participation (23%). Malgré des fraudes dénoncées par l’opposition, il est à noter que ce scrutin était la première élection pluraliste du pays.
Hosni Moubarak avait à plusieurs reprises appelé à la mobilisation générale pour les premières élections pluralistes du pays, mercredi dernier. Les Egyptiens ne l’ont pas suivi. Seuls 23% des 32 millions d’électeurs se sont déplacés pour voter. Ce très faible taux de participation entache quelque peu la légitimité de la victoire du Président Moubarak, réélu pour 6 ans avec 88,6% des voix. La forte abstention montre que ce score était sans surprise, pour les observateurs internationaux, comme pour les Egyptiens. La « révolution démocratique » n’a pas eu lieu. « Pas de surprise : finalement cela n’a pas été une élection mais un référendum », souligne ironiquement Hussein Abdel Raziq, secrétaire général du parti marxiste Tagammou, qui s’était prononcé pour le boycott du scrutin.
Pour ses 4 précédents mandats, Moubarak était désigné par le Parlement, dominé par son parti, le Parti National Démocrate (PND). Le choix était ensuite entériné par référendums, qui étaient en fait des plébiscites, où les électeurs devaient voter « oui » ou « non ». Arrivé au pouvoir après l’assassinat d’Anouar Al-Sadate, en 1981, il avait toujours été reconduit à la tête du pays avec des pourcentages de « oui » supérieurs à 90%. Lors de cette première présidentielle directe de l’histoire de l’Egypte, Hosni Moubarak a devancé, et de très loin, les 9 autres candidats en lice. Le candidat de l’opposition, Ayman Nour, 41 ans, du parti Al-Ghad (« Demain »), a récolté 7,3% des voix et Noamane Gomaa, 71 ans, chef du Néo-Wafd, a recueilli 2,8% des voix.
Entre victoire « démocratique » et « illégitime »
Pour cette première électorale, la grande nouveauté aura été la campagne à l’américaine menée par le raïs et orchestrée par son fils, Gamal, 42 ans, figure montante du PND et que beaucoup considèrent comme son dauphin. Débauche d’affiches et de spots télé, discours rôdés, analyses politiques… Malgré le battage médiatique, de nombreuses accusations de fraude se font jour. La commission électorale avait interdit l’accès des bureaux de vote aux observateurs étrangers mais des membres d’ONG ont rapporté des cas de pressions exercées sur des électeurs, d’intimidations policières ou de bourrage des urnes.
Samedi, 2 000 opposants ont dénoncé une « victoire illégitime » et, selon Radio Canada, des hommes en civil ont brisé la manifestation qui se déroulait au centre du Caire, et des manifestants auraient été battus. Dès jeudi dernier, Ayman Nour avait porté plainte auprès de la commission électorale mise en place par le pouvoir et réclamé l’organisation de nouvelles élections, mais sa requête avait été immédiatement rejetée. A présent, l’opposition rassemble ses forces pour les législatives de novembre prochain, législatives pour lesquelles elle espère obtenir des conditions « plus équitables ». On rappelle que toutes les tendances pourront participer au prochain scrutin, y compris le mouvement islamiste interdit des Frères musulmans.
De son côté, Hosni Moubarak, lors de son premier discours officiel, dimanche, a salué la « victoire de la démocratie », s’est engagé à poursuivre les réformes politiques en Egypte et à « construire une société moderne dans un pays démocratique ». Il a promis de « contrecarrer » le chômage, qui touche 10,5% de la population, selon les chiffres officiels, et le double selon les estimations d’organismes internationaux, alors que la Banque mondiale estime que 43,9% des Egyptiens vivent avec moins de 2 dollars par jour. A 77 ans, Hosni Moubarak possède l’un des records de longévité à la tête d’un Etat. Dans le monde arabe, il n’a qu’un challenger : Mouammar Khadafi, à la tête de la Libye depuis 1969…
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