Des civils, arrêtés au Caire pendant la révolution puis libérés, témoignent aujourd’hui de tortures infligées par l’armée. Des révélations qui mettent la grande muette, portée aux nues pendant l’insurrection, dans l’embarras.
L’armée : adulée hier, contestée aujourd’hui
Acclamée par les Egyptiens pour avoir été du côté du peuple lors des révoltes, l’image de l’armée est désormais ternie par ces multiples témoignages de torture. « L’armée arrête et condamne les gens sous prétexte qu’ils sont des « baltagi ». Mais la plupart des personnes arrêtées ne portaient pas d’armes sur elles ! Et quand bien même elles seraient malveillantes, elles n’ont pas à être jugées devant un tribunal militaire. C’est un tribunal d’exception où il n’est pas possible de faire appel », explique Gamal Aïd, directeur de l’association Arabic Network For Human Rights Information.
Le 9 mars a-t-il marqué la fin des échanges cordiaux entre civils et militaires ? Cette date restera gravée comme « Le jour du traumatisme » pour beaucoup d’Egyptiens qui nourrissaient, après la révolution, une grande estime pour l’armée. Certains commencent à se demander pourquoi elle pris position en faveur de la population pendant les révoltes si c’est pour désormais faire volte-face.
Une attaque de civils armés de couteaux et de machettes était menée le 9 mars dernier sur la célèbre place Tahrir, au Caire, contre des manifestants pro-démocratie. L’armée, qui a été appelée à la rescousse, a procédé au « nettoyage » de la place en emportant dans ses filets environs 170 manifestants. Tous auraient été victimes de tortures et jugés devant un tribunal militaire. Sur son site Internet, l’association Arabic Network For Human Rights condamne ces tortures, en les qualifiants d’inhumaines. Selon le quotidien égyptien Al-Ahram, certains ont été relâchés et témoignent devant les ONG et les journalistes du calvaire qu’ils ont vécu. Voici leur histoire, également reprise par Rue89 et Youtube.
Walid, porté disparu…
Walid est un jeune égyptien porté disparu depuis le 9 mars dernier. Il a été arrêté par l’armée et est aujourd’hui détenu dans la tristement célèbre prison 28, à Nasser City. Il est accusé de troubles à l’ordre public. Sa mère, Oum Walid, est à ce jour sans nouvelle de son fils. C’est en larmes qu’elle s’est exprimée, le 16 mars dernier, lors d’une conférence de presse organisée à cette occasion. « Nous sommes des gens bien ! Nous ne sommes pas des baltagi (des hommes payés par le régime d’Hosni Moubarak pour semer la terreur) ! Je veux mon fils ! Je veux Walid ! », martelait-elle.
Ali Sohby
Ali Sohby a aussi été arrêté puis relâché. Devant la presse, il déclare avoir été torturé avant d’avoir était libéré trois jours plus tard. Battu et jugé devant un tribunal militaire, il a déclaré : « Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais. C’était un cauchemar. Nous passions 30 par 30 devant les juges. Nous avons raconté ce qu’il s’était passé, mais ils ne nous écoutaient pas. Une déposition écrite était déjà prête. Ils nous ont obligés à la signer ».
Ramy Assam
Ramy Assam, chanteur, était l’une des figures artistiques de la révolution du 25 janvier. Victime de tortures, il a reçu des décharges électriques et a été battu jusqu’au sang. Les images montrent Ramy sur la Place Tahrir en train de chanter. Puis, c’est un corps mutilé que laisse découvrir les caméras.
Salwa El Hosseiny
Les femmes n’ont pas été épargnées ce 9 mars. Salwa El Hosseiny est l’une d’entre elles. Elle a été retenue prisonnière puis torturée, avant d’être relâchée trois jours plus tard.