En Egypte, le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, des dizaines de milliers de personnes sont récemment descendues dans la rue pour protester contre les pénuries d’eau. Ceci explique en partie les réticences du gouvernement à abandonner sa part actuelle de l’eau du Nil.
Le 26 juillet 2010, 600 personnes du gouvernorat de Minya dans le sud du pays ont organisé un sit-in au Caire devant le ministère de l’Irrigation, pour protester contre le manque d’eau pour arroser leurs terres. Les années précédentes avaient certes connu des manifestations contre les pénuries d’eau, mais selon les observateurs locaux, l’ampleur et la fréquence des manifestations de 2010 sont sans précédents.
« La rareté de l’eau va encore augmenter à l’avenir », a dit à IRIN Riad Aldamk, directeur d’un projet d’études sur l’eau à l’Ecole d’ingénieurs du Caire. Il a expliqué que la consommation totale d’eau de l’Egypte avait augmenté de 17 pour cent au cours des cinq dernières années, comme le montrent des études menées par l’Ecole. Des étés plus chauds en sont en partie responsables.
Une étude publiée récemment par l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) indique que les ressources en eau annuelles vont baisser de près de 15 milliards de mètres cubes d’ici 2017 : il est prévu qu’elles passent des 86,2 milliards de mètres cubes nécessaires à 71,4 milliards.
Selon cette étude, l’Egypte, dont la consommation moyenne par habitant est de 700 mètres cubes par an, est l’un des 15 Etats arabes situés sous la barre des 1 000 mètres cubes par habitant, qui dénote la rareté de l’eau. La moyenne mondiale est de 6 750 mètres cubes par personne et par an.
Les experts pensent que l’agriculture représente 70 pour cent de la consommation et accusent les méthodes d’irrigation traditionnelles de provoquer la perte de huit à 17 milliards de mètres cubes d’eau annuellement.
La culture du riz utilise une grande partie de l’eau, a dit Khalid Alqady, professeur d’agronomie à l’Université d’Helwan. « Pour faire pousser du riz, il faut d’énormes quantités d’eau ».
Pour répondre à cette inquiétude, le ministère de l’Agriculture a décidé de réduire la superficie dédiée à la culture du riz de 486 000 hectares en 2009 à 456 720 hectares cette année. Pour M. Alqady, la prolifération des fermes aquacoles sont également responsable de la rareté de l’eau.
Les 10 principales zones en manque d’eau Cet été est extrêmement chaud, ce qui aggrave la pénurie d’eau. IRIN s’est fondé sur des entretiens avec plusieurs experts locaux en eau pour désigner 10 zones particulièrement affectées par les pénuries d’eau. Ismailia – La pénurie d’eau dans cette ville de quelque 750 000 habitants de la côte nord-est a provoqué dans les dernières semaines de larges manifestations d’agriculteurs qui se plaignent de ne plus pouvoir irriguer leurs terres. Les agriculteurs ont exhorté le gouverneur à les aider et ont invité les caméras de télévision à filmer leurs difficultés. Selon eux, la sécheresse a provoqué une pénurie d’eau d’irrigation, ce qui a déjà rendu 57 803 hectares de terres arables incultivables. Gouvernorat de Dakahlia – Les protestations d’agriculteurs à propos de la pénurie d’eau d’irrigation sont devenues courantes dans cette région agricole du nord-est du Caire. Les agriculteurs, qui organisent régulièrement des manifestations devant les bureaux du gouverneur, affirment que 10 789 hectares de terres arables ne sont plus utilisables parce qu’elles n’ont pas été irriguées depuis plus de 24 jours. Gouvernorat de Kafr al-Sheikh – Les agriculteurs du village d’al-Tarzy, à quelque 180 kilomètres au nord du Caire, ont dit que trois semaines auparavant, l’eau d’irrigation avait cessé d’arriver jusqu’à leurs fermes pendant 10 jours. Ils ont manifesté, en se plaignant que le manque d’eau faisait mourir leurs récoltes mais que le gouvernement ne faisait rien. Sharqia – L’insuffisance d’irrigation a ruiné des centaines d’hectares de terres agricoles, en particulier dans la partie nord de cette ville située au nord-est du Caire. Le mois dernier, la pénurie d’eau a forcé les agriculteurs à utiliser les eaux usées pour arroser leurs récoltes moribondes. Fayoum – La pénurie d’eau a suscité un large mouvement de colère dans cette ville située à 130 kilomètres au sud-ouest du Caire. Ceci a provoqué des manifestations : les agriculteurs ont dit que les propriétaires fonciers influents ayant des relations politiques recevaient le peu d’eau disponible et qu’il ne restait rien pour les pauvres. Damietta – Les effets de la rareté de l’eau se font sentir sur les terres arables de cette ville côtière du nord-est et sur la santé des habitants qui ont été affectés par de l’eau contaminée par les eaux usées. Marsa Matrouh – Un canal amenant l’eau du Nil vers cette ville côtière du nord-ouest s’est complètement asséché, provoquant la sécheresse et des difficultés pour les habitants. Gouvernorat de Minya – La hausse des températures a augmenté les besoins en eau de ce gouvernorat méridional qui ne dispose pas de canalisations d’eau. Beni Suef – Il y a deux semaines, les agriculteurs de cette ville située à environ 115 kilomètres au sud du Caire sont descendus dans la rue pour protester contre le manque d’eau. Ils ont affirmé que 1 660 hectares de terres arables avaient été rendus inutilisables. Gouvernorat d’Alexandrie – Dans le village de Nubaria, au sud d’Alexandrie, des milliers d’hectares de terres arables, vont finir par s’assécher parce que les autorités locales ont été obligées d’imposer des restrictions sévères sur l’irrigation. |