Lancée le 20 juillet, MaryaTv est une chaîne exclusivement réservée aux femmes portant le niqab (voile intégral). Vous ne trouverez aucun homme sur le plateau télévisé. Une initiative qui ne fait pas l’unanimité. Certains craignent une montée de l’islamisme.
Couvertes de noir de la tête au pied. Seuls les yeux sont visibles à travers une fente. Le niqab (voile intégral) est la tenue exigée des présentatrices de MaryaTv. Lancée le 20 juillet, premier jour du Ramadan, la chaîne ne compte que des animatrices voilées. Aucun homme n’est toléré sur le plateau, à l’exception du créateur de la chaîne, le salafiste Cheikh Abu Islam Ahmad Abd Allah.
MaryaTv est un média féminin et la religion est l’un des principaux thèmes abordés. Les présentatrices ne sont pas les seules à arborer le voile. Toute l’équipe doit également adopter cette tenue vestimentaire. Même les femmes interviewées sur le plateau obéissent à cette règle. Si la personne invitée ne porte pas le voile, son visage est flouté, ou on lui demande de l’arborer durant son passage à l’antenne. La chaîne diffuse son programme six heures par jour via Umma Islamic Channel, une chaîne déjà ultraconservatrice.
Au programme, émissions pour enfants, émissions de couture, débats sur les relations, comédie politique. « Nous avons tout ce dont une femme peut avoir besoin », selon Abeer Shaheer, principale présentatrice de la chaîne. « Le principal but de la chaîne est de prouver à la société qu’il y a des femmes en niqab qui sont actives, qui peuvent jouer un rôle dans la société et réussir, devenir docteur, ingénieur ou une personnalité médiatique reconnue », renchérit-elle. La chaîne veut avant tout éduquer sur l’islam. Elle s’adresse particulièrement aux jeunes égyptiennes pour « les pousser à devenir vertueuses », selon el-Cheikha Safaa Refai, l’une des dirigeantes.
Une initiative critiquée
Cette initiative est loin de faire l’unanimité. Certains spectateurs se plaignent de ne pas voir le visage ou le langage corporel des présentatrices. Peu importe ces critiques. MaryaTv campe sur ses positions. « L’apparence d’une femme n’a pas d’importance sous le niqab. Ce qui compte, c’est un esprit qui peut transmettre du sens et des sentiments. » Si certains affirment que MaryaTv est un exemple de liberté d’expression que réclamaient les Egyptiens durant la révolte contre Hosni Moubarak. D’autres craignent que la chaîne soit un signe avant-coureur d’une montée de l’islamisme, d’autant plus que le président égyptien Mohamed Morsi est issu du parti politique des Frères musulmans.
Les Egyptiennes en quête de leurs droits
La plupart des Egyptiennes porte un voile qui couvre leurs cheveux. Mais celles qui portent le niqab sont encore rares sauf dans les rues du Caire. Le niqab a longtemps été boudé. Il a émergé en Egypte il y a une quinzaine d’années lorsque les travailleurs égyptiens de retour d’Arabie Saoudite ont diffusé les valeurs du wahhabisme. L’essor des chaînes de télévision salafistes financées par le Qatar et l’Arabie Saoudite a également permis au niqab d’être plus présent dans la société égyptienne. Mais sous Hosni Moubarak, les femmes voilées étaient exclues des plateaux télé.
Les conditions des femmes en Egypte sont encore très difficiles. Elles sont souvent victimes de harcèlement sexuel. Après la révolution, de nombreuses égyptiennes espéraient voir leurs conditions de vie s’améliorer. Mais il n’y a pas eu de changement, pour Shahinaz Abdel Salam, militante des droits de la femme en Egypte. Pour l’auteur de Egypte, les débuts de la liberté (aux éditions Michel Lafon), « la condition féminine en Égypte est un problème lié à la société et non à la politique. C’est le peuple égyptien qui a un problème. L’égalité homme-femme n’existe pas ». Selon elle, « sous Hosni Moubarak, il n’y avait qu’une seule femme dans le Gouvernement. Il faut que le pouvoir engage des réformes pour changer les choses. La révolution est une opportunité pour que les femmes obtiennent une reconnaissance. »
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