Troisième journée consécutive de violences entre l’armée et des civils dans la capitale égyptienne, le Caire. Les affrontements qui ont commencé dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que des activistes observaient un sit-in, ont déjà fait une dizaine de morts et plusieurs centaines de blessés. Les manifestants refusent de capituler, le gouvernement, mis en place par l’institution militaire, met en avant une contre-révolution.
Un champs de bataille. Voilà ce qu’est devenue la capitale égyptienne en trois jours. Depuis vendredi, la rue Qasr Al Ayni, qui mène de la place Tahrir au parlement, ne désemplit pas et manifestants et militaires s’affrontent violemment. Selon le ministère de la santé, près de dix personnes sont décédées et 500 autres blessées. Contre les bâtons, les tasers, les lacrymogènes ou les pistolets de la police militaire, les manifestants s’organisent tant bien que mal pour se protéger et pour cela tous les moyens sont bons : casques en plastique, tabourets, plaques de métal…
Cette avalanche de violences aurait été déclenchée à cause de l’arrestation et la torture, dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 décembre, d’un jeune supporteur de football qui participait à un sit-in organisé depuis trois semaines devant le cabinet du premier ministre, Kamal Al-Ganzouri, pour protester contre le gouvernement mis en place par le Conseil militaire. Le jeune supporteur aurait été autorisé par les soldats à venir récupérer son ballon égaré à l’intérieur du cabinet. Mais c’est en sang que celui-ci en est ressorti. Depuis, des centaines de révolutionnaires, parmi lesquels se trouvent bon nombre d’activistes connus, tels que des députés, des candidats aux élections en cours ou des fils de célèbres hommes politiques, ont envahi la place Tahrir et les rues avoisinantes.
Beaucoup d’hommes et de femmes défient l’armée à mains nues, munis de pierres ou de cocktails Molotov. Nombreux sont ceux qui sont évacués avec un œil en moins car la police militaire viserait délibérément les yeux des contestataires. Quant à d’autres, ils sont rattrapés par les forces de l’ordre et tabassés en pleine rue à l’image, samedi, d’une jeune femme traînée par les cheveux et déshabillée pendant qu’elle recevait des coups de Rangers.
Colère chez les activistes, méfiance chez d’autres
Beaucoup s’interrogent. Pourquoi avoir violemment réprimé un sit-in jugé « pacifique » par les activistes ? Le Monde rapporte plusieurs témoignages comme celui d’une femme d’une soixantaine d’années qui se fraie un chemin jusqu’au mur érigé par l’armée samedi après-midi afin de bloquer l’entrée de la rue Qasr Al Ayni. Arrivée aux premières lignes, elle lève un bras vengeur vers les silhouettes qui s’agitent sur les toits : « Fils de chiens ! Assassins ! Descendez ! ». En guise de réponse, un militaire en treillis défait sa braguette et urine du haut du toit en riant. « Bravo ! bravo ! Très joli ! », répond la femme. « A bas le régime militaire ! La révolution continue », lancent les témoins de la scène. Une pluie de briques et de pierres en provenance des militaires perchés sur les toits s’en est suivie.
Face à ce nouveau regain de violences, certains cherchent à comprendre qui sont réellement les leaders de cette protestation. Un habitant du quartier interpelle un jeune activiste et lui demande ce que cette affaire de football a à voir avec tout cela, rapporte le quotidien. « Tu joues au football à une heure du matin devant le siège du gouvernement toi ? », questionne-t-il.
Des protestataires présentés comme des « voyous » par le gouvernement et l’armée. Malgré ces accusations, plusieurs hommes politiques ont apporté leur soutien aux manifestants. Certains, nommés par l’armée, ont même démissionné de leur poste. Le parti des Frères musulmans a condamné ces violences et demande une enquête.
Alors qu’au Caire les manifestants continuent d’affronter les militaires et de demander leur départ du pouvoir, le gouvernement s’acharne à dénoncer une contre-révolution. La presse locale se relaie l’information et s’interroge sur l’identité des révolutionnaires à l’instar de Hona Al-Asema, speakerine de la chaîne CBC, qui à une heure de grande écoute s’est demandée qui étaient « ces casseurs» .
Photos Al Jazeera