L’issue de la présidentielle en Egypte est plus que jamais incertaine. L’armée qui a promis de rendre le pouvoir aux civils, a perturbé le scrutin suite à la décision de la Haute cour constitutionnelle de dissoudre le Parlement. L’armée reprend ainsi les rênes du pouvoir législatif. Une décision qui préoccupe le pays.
L’armée est-elle en train de préparer le terrain pour rester aux commandes du pays ? C’est la question que nombre d’Egyptiens se posent. Le second tour de la présidentielle s’est déroulé dans un climat de tension. L’armée a troublé le second tour samedi en annonçant la dissolution du Parlement, dominé par les Frères musulmans. Elle a invoqué un vice juridique qui met à mal les prochaines élections législatives et décidé de reprendre en main le pouvoir législatif ainsi que les finances publiques jusqu’à la formation d’un nouveau Parlement. Elle prévoirait également de former la commission chargée de rédiger la Constitution.
Les Frères musulmans et les révolutionnaires ont dénoncé « un coup d’Etat », accusant les militaires de « vouloir s’emparer de tous les pouvoirs ». Ces mesures réduisent en effet considérablement le pouvoir du chef de l’Etat qui aura peu de marge de manœuvre. Le Conseil des forces armées a tenté, lui, d’apaiser la situation, assurant qu’il va « transférer le pouvoir au nouveau président d’ici le 30 juin ». Selon le général Mohammed al-Assar, membre du CSFA, « le président de la République sera investi de tous les pouvoirs du président de la République ».
L’absence de Constitution inquiète
Nombre d’analystes égyptiens estiment qu’en ayant pris la décision de dissoudre le Parlement, l’armée cherche à rester aux commandes du pays. Le fait que la Constitution ne soit toujours pas rédigée depuis la chute de Hosni Moubarak inquiète. « Le chef de l’Etat entrera dans le palais présidentiel au milieu d’un vide légal et constitutionnel terrifiant », a écrit le commentateur politique Hassan Nafea dans le quotidien indépendant al-Masry al-Youm. Pour lui, une victoire d’Ahmed Chafik « garantirait à l’armée d’avoir l’un des siens à la tête de l’exécutif, mais lui permettrait aussi d’influencer la mise en place des autres institutions du nouveau régime ».
En attendant, l’Egypte retient son souffle. Qui de Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, ou d’Ahmed Chafik ancien Premier ministre de Hosni Moubarak accédera à la tête du pays ? Les deux rivaux se sont tous deux déclarés vainqueur à la présidentielle. Mohamed Morsi a été le premier à annoncer qu’il avait remporté le scrutin avec 52,5% des voix. Une affirmation aussitôt rejetée par son concurrent qui a affirmé être le prochain président égyptien. Les résultats officiels sont attendus ce jeudi.
« Aucun des candidats n’a de solution miracle »
Grande figure de l’ancien régime, Ahmed Chafik, 70 ans, est loin de faire l’unanimité dans le pays. Sa candidature a été très contestée par les révolutionnaires qui ont même exigé qu’il se retire de la présidentielle. Ces derniers ont exprimé leur mécontentement à plusieurs reprises sur la place Tahrir. Ahmed Chafik a fait campagne sur le thème de la stabilité et promis de relancer la croissance économique. Les chrétiens coptes, qui craignent pour leur avenir si un islamiste reprend les rênes du pays, le soutiennent.
Son rival Mohamed Morsi, ingénieur de 60 ans, peu charismatique et peu connu des Egyptiens, représente pour une frange des révolutionnaires « le candidat le moins pire ». Ces derniers sont nombreux à avoir voté pour lui afin d’empêcher Ahmed Chafik d’accéder à la tête du pays. D’autres se sont au contraire abstenus de voter. Pendant que les deux hommes se livrent à un combat sans merci, les Egyptiens, eux, sont nombreux à se préoccuper de leur avenir. Un avenir plus qu’incertain. L’économie du pays s’est effondrée. Le taux de chômage est très élevé. La jeunesse aspire à de meilleures conditions de vie, notamment à plus de libertés.
Pour le moment, aucun des candidats à la présidentielle « n’a de solution miracle » pour aider le pays estime Tewfik Aclimandos, chercheur spécialiste de l’Egypte contacté par Afrik.com. Sur le plan politique aussi, les zones d’ombre persistent. Le devenir de l’armée reste une grande question. Selon Tewfik Aclimandos, « l’armée ne disparaitra pas du jour au lendemain ». En tous cas, ces derniers temps, elle a prouvé une fois de plus que c’est toujours elle qui est aux commandes de l’Egypte.
Lire aussi :
Tewfik Aclimandos : « L’armée égyptienne ne disparaitra pas du jour au lendemain »
L’Egypte vers un nouveau visage politique ?