Rien ne va plus entre l’Egypte et Israël. Les tensions entre les deux pays sont palpables depuis le décès de cinq policiers égyptiens victimes d’un raid israélien, le 18 août, près d’Eilat. Et pour sa part, la Turquie, traditionnel allié de l’Etat hébreu et dont le Premier ministre était en visite au Caire lundi et mardi, n’a toujours pas digéré l’assaut de la marine israélienne contre l’une de ses flottilles transportant de l’aide humanitaire à destination de Gaza. Cette attaque a causé la mort de neuf de ses ressortissants. Les deux pays attendent des excuses officielles du gouvernement israélien.
Il est loin le temps de Moubarak, quand les relations entre l’Egypte et Israël étaient au comble de la bonne entente. Cette époque semble révolue, comme en témoigne l’attaque de l’ambassade d’Israël au Caire, dans la nuit du 9 au 10 septembre, par une foule de quelque 3000 Egyptiens. Un tel acte, l’ancien Raïs ne l’aurait probablement jamais admis. Par mesure de sécurité, l’ambassadeur israélien, Yitzhak Levanon, a, dans la foulée, quitté l’Egypte alors que son numéro 2 continue d’y exercer dans un « lieu sûr ». Les tensions entre les deux pays se sont accrues depuis la mort de cinq gardes-frontières égyptiens dans le Sinaï, près d’Eilat, le 18 août, lors d’un raid aérien de Tsahal. Le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a « regretté » la mort de ces policiers égyptiens. Israël n’a pour autant nullement présenté d’excuses officielles à l’Egypte et tout particulièrement aux familles des victimes. Pourtant, l’Egypte représente(ait) un partenaire idéal pour la sécurité en Israël.
Erdogan, un héros en Egypte
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a entamé, le 12 septembre, une tournée de 4 jours en Egypte, en Tunisie et en Libye a été accueilli lundi au Caire par quelques 3000 admirateurs. Avant son arrivée, les Egyptiens ont organisé une manifestation de sympathie pour le chef de la diplomatie turc, Ahmet Davuto?lu. M. Erdogan a déclaré à la tribune de la Ligue arabe, mardi, que « la barrière à la paix dans la région est la mentalité du gouvernement israélien. » Il a défini le comportement de l’état hébreu comme étant celui d’un « enfant gâté » avant d’ajouter, selon l’Express, que la reconnaissance d’un Etat palestinien n’était « pas une option, mais une obligation ».
Les rapports entre Jérusalem et Ankara n’ont jamais été aussi mauvais depuis le début des années 1980. Le 30 mai 2011, des commandos de la marine israélienne ont pris d’assaut une flottille en provenance de Turquie transportant de l’aide humanitaire pour la bande de Gaza. Cette opération a causé la mort de 19 personnes dont 9 militants turcs. Israël a exprimé ses regrets mais aucune excuse. De fait, la Turquie a décidé d’expulser l’ambassadeur israélien et de suspendre tous ses accords militaires avec Tel-Aviv. Erdogan a prévenu que, désormais, ce sera en compagnie de la marine turque que les prochaines flottilles, transportant de l’aide humanitaire, se rendront sur la bande de Gaza.
La perte de deux alliés ?
Peu importent les excuses, pour l’heure le mot d’ordre d’Israël est : « Sauver le traité de paix avec l’Egypte ». Mais l’arrogance de Tel-Aviv a fini par exaspérer. Même certaines diplomaties européennes ont exprimé leur mécontentement face au comportement d’Israël. Cela dit, Barack Obama reste un soutien indiscutable de son allié.
Dimanche, le Premier ministre israélien s’est montré déterminé à assurer un retour au calme de son ambassadeur au Caire. Selon le quotidien égyptien Al Masry al-Youm, quatre politiciens et membres de la sécurité israélienne se sont rendus, dimanche, au Caire afin de rencontrer des officiels égyptiens pour discuter des procédures de retour en Egypte de leur ambassadeur et de son équipe. Lors de sa visite, le premier ministre turc a conseillé aux Egyptiens de prendre la même décision que son pays : expulser l’ambassadeur d’Israël. Pour le gouvernement israélien, il est impératif d’obtenir dans les plus brefs délais le retour de son représentant, avant que la colère ne prenne plus d’ampleur… Ce qui risquerait de rendre ce retour impossible. Au lendemain de la démission de Moubarak, trois millions d’Egyptiens étaient descendus dans les rues du Caire et scandaient « Jérusalem, Al Qods, on arrive ! » Déjà le ton était donné …
Al Jazeera Egypte accusée de semer le trouble
Les autorités égyptiennes ont pris la décision de fermer les locaux de la chaîne qatarie Al Jazeera Egypte. Ils invoquent une absence de licence officielle de diffusion et l’enregistrement d’une plainte émanant du voisinage. Il leur est reproché de « semer la dissension » et « d’appeler à manifester ». Selon l’agence de presse égyptienne Mena, cette décision ne concerne pas les chaînes Al Jazeera Children et Al Jazeera International qui disposent de licences valides.
Les dirigeants israéliens considèrent l’Egypte et la Turquie comme les garants de la stabilité de la région. Ils sont (étaient ?) pour Tel-Aviv des boucliers et des alliés stratégiques. L’Etat hébreu se met progressivement à dos des partenaires essentiels pour maintenir la sécurité dans sa région. Le soulèvement que connaît en ce moment le monde arabe touche ainsi directement l’Etat d’Israël. Le roi Abdallah de Jordanie, exaspéré de l’attitude d’Israël, a déclaré lundi, selon Letemps.ch, que l’Etat hébreu « devrait se méfier de ce qui se prépare dans la région. » Si les pouvoirs en place étaient amenés à changer et devenaient islamiques, ce serait alors un problème pour Israël comme le précise un rabbin dans la vidéo ci-dessous. Pour information, le Conseil national de transition en Libye a déclaré que la charia, la loi islamique, sera la principale source de la législation libyenne. Qu’en sera-t-il de la Tunisie ? De l’Egypte ? etc.
Dans quelle conditions Yitzhak Levanon sera-t-il, si cela a lieu, accueilli en Egypte ? Plus largement, comment évolueront les relations entre l’Egypte et Israël ? Questions cruciales pour l’équilibre du Proche Orient.