Egypte : avec Mohamed Morsi au pouvoir, « c’est l’anarchie ! »


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L’Egypte serait en train de vivre un soulèvement populaire encore plus important que celui organisé contre Hosni Moubarak. De la dictature à l’anarchie, témoignages de Bader Ibrahim, commerçant dans la ville du Caire, et d’Ihab X, maire d’une localité proche d’Alexandrie.

Il règne comme une ambiance de guerre civile dans la ville du Caire, la capitale égyptienne. L’armée a déployé ses chars près du palais présidentiel. Les pro et anti-Morsi s’affrontent lors de manifestations géantes. On dénombre au total cinq morts dans la nuit de mercredi à jeudi, et plusieurs centaines de blessés. Le pays connaît sa plus grave crise depuis l’élection du président Mohamed Morsi, accusé par l’opposition d’avoir renforcé ses pouvoirs à travers un décret instauré le 22 novembre dernier.

« Le peuple veut la chute du régime »

« C’est pire que les évènements du 25 janvier 2011 », affirme Bader Ibrahim, commerçant dans la ville du Caire. La date correspond aux premières manifestations hostiles à Hosni Moubarak. Les Egyptiens scandent les mêmes slogans qui ont mené à la chute de l’ancien raïs. « Al cha3b youreed isqat al nidham » (le peuple veut la chute du régime, ndlr), lancent-ils. « Mais les pro-Morsi réagissent aussi, raconte Bader. Hier (mercredi), des supporters de Mohamed Morsi sont allés sur la place Tahrir armés de couteaux et de sabres. Ils n’ont pas hésité à arracher le nez et les oreilles des opposants. C’est une catastrophe ! ».

Suite aux évènements meurtriers de la nuit dernière, l’armée a interdit tout rassemblement aux abords du palais présidentiel situé dans le quartier d’Héliopolis. « On entend régulièrement des coups de feu tirés en l’air par les forces de l’ordre pour repousser les plus coriaces d’entre les manifestants », a constaté le commerçant. « Mais d’autres ont été atteint par balle et des centaines d’autres ont été blessés ». Pour tenter de calmer les tensions, Mohamed Morsi doit adresser ce jeudi un discours à la nation. Il devrait soumettre « plusieurs idées ». « Propositions ou non, une grande partie du peuple ne veulent plus de Mohamed Morsi, atteste Bader. Je sens que les Egyptiens vont expulser Mohamed Morsi. Et même si le président a affirmé ne pas vouloir renouveler son mandant, beaucoup d’Egyptiens veulent qu’il s’en aille maintenant ».

L’Egypte vit le même processus ayant entraîné la démission de Moubarak, « voire pire ». Le général Mohammed Zaki, chef de la garde républicaine chargée de la protection du président, a prévenu : « les forces armées, et la garde républicaine, ne seront pas un outil de répression contre les manifestants. » Quatre conseillers du président ont annoncé leur démission en signe de protestation.

Les « Baltaguias » sont de retour

Sur leur compte Twitter, les Frères musulmans ont qualifié les manifestants anti-morsi de « Baltaguias », c’est-à-dire de bandes de voyous. Un terme qui a provoqué la colère des frondeurs.

Les violences n’ont pas lieu qu’au Caire. Le maire d’une localité proche de la ville d’Alexandrie témoigne. Par peur de représailles, il ne souhaite pas divulguer le nom de la ville qu’il gouverne. « Il y a des baltaguias qui ont agressé des manifestants anti-Morsi dans ma ville. La sécurité est nulle et il y a des pillages un peu partout. Les habitants se préparent à revivre un 25 janvier ! », affirme Ihab. Selon lui, « beaucoup de personnes installent une double porte pour éviter de se faire voler ou agresser chez eux car les baltaguias n’hésitent pas à s’introduire dans les résidences ». Même chose chez les commerçants et les bijoutiers.

« J’ai l’impression qu’il va falloir du temps avant de stabiliser la situation politique en Egypte. Il faudra encore plusieurs présidents pour calmer les tensions. L’avantage que nous avions avec Moubarak au pouvoir, c’était d’être en sécurité. Ce n’est pas la démocratie que l’on a trouvée après son départ, mais l’anarchie ! », lâche Ihab.

L’opposition est ferme. Le président égyptien doit annuler le référendum du 15 décembre sur le projet de Constitution. Elle estime qu’il ne respecte pas la liberté d’expression et qu’il est principalement basé sur la loi islamique. Plus que jamais, Mohamed Morsi est sur un siège éjectable. Comment parviendra-t-il à résoudre la crise que traverse son pays ? Arrivera-t-il au bout de son mandat ?

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