A l’occasion de la sortie du livre « Chroniques de la révolution égyptienne », d’Alaa El Aswany, auteur des best-sellers « Immeuble Yakoubian » et « Chicago », le Groupe de Solidarité Egypte a organisé une rencontre avec l’auteur lundi 14 novembre à la Bourse de Paris.
La rencontre avec Alaa El Aswany a débuté par une représentation musicale du chanteur et marionnettiste Egyptien Hicham Gad, accompagné par les mélodies du violoniste Mustapha Fahmi. Parmi le public, certains intellectuels arabes étaient présents dont l’économiste Franco-Egyptien Samir Amin, l’écrivain et journaliste Salah Hashem, le cinéaste Samir Abdellah, l’épouse du feu Dr. Amir Iskander Madame Isis et le poète Hassan Akal.
La représentation a été suivie par un débat public avec Alaa El Aswany, qui est revenu sur les moments vécus à la place Tahrir : « La révolution Egyptienne a dépassé l’Egypte, c’est une révolution pour l’être humain, pour la dignité et la liberté humaine. On doit être fier d’être humain car nous avons réussi à obliger les dictateurs à quitter le pouvoir par une révolution pacifique. La révolution était le prix du changement et on a payé le prix fort et on a le droit à un grand changement ce qui n’est pas le cas. »
Les forces en présence
Pour ce qui est de l’après révolution, il a affirmé que « les révolutionnaires pensaient que faire partir Moubarak était une première étape pour décapiter le régime. Mais l’armée n’a pas su interpréter les intentions du peuple. Le résultat était négatif, la révolution visait un vrai changement, mais le conseil militaire voulait perdurer sous le régime, les militaires n’ont pas protégé la révolution. »
Il a ajouté que la révolution était un moment unique dans la vie des Egyptiens, même si la mort était tout le temps au rendez-vous, mais les révolutionnaires n’en avaient pas peur, car dans le mouvement de protestation, il n’y a plus de barrières entre le soi et l’autre, toute dualité s’efface car le « je » prend forme du « nous ».
La place des Frères musulmans
A la question de savoir si les frères musulmans peuvent intégrer la démocratie dans leur politique, et s’ils peuvent être une solution pour une bonne gouvernance… Il a répondu que « les islamistes ont souvent été des opportunistes mais s’ils choisissent d’investir dans la démocratie, ils sont les bienvenus. » Par ailleurs, il a souligné que la révolution doit aboutir à de véritables changements, chose qui n’a pas été faite.
Les révolutionnaires ont selon lui commis une erreur quand ils ont quitté la place Tahrir et laissé la révolution entre les mains des militaires. Certains frères musulmans ont soutenu les réformes proposées par le conseil militaire, ils n’étaient pas honnêtes, parce qu’ils ne sont pas assez proches du peuple, refaisant la même erreur depuis Nacer.
Le risque de la contre-révolution ? Alaa El Aswany répond qu’après chaque révolution, trois catégories sociales se forment : la force révolutionnaire qui a participé à la révolution et qui reste fidèle aux principes de la révolution ; les contre-révolutionnaires, ceux qui ont tout perdu pendant la révolution et la masse passive, qui n’a pas participé à la révolution, mais qui était très contente des résultats de la révolution. L’après révolution peut être fragile, car la masse passive adopte rapidement une attitude hésitante et peut basculer du côté des contre-révolutionnaires. Alaa El Aswany rassure : « mais la majorité des Egyptiens sont toujours fidèles à leur révolution. Il ne faut jamais dire que le régime de Moubarak était mieux. »
Mieux définir la laïcité
La question de la laïcité a également été abordée, là-dessus, l’auteur a estimé qu’il fallait bien redéfinir le concept de la laïcité car dans les pays arabes la notion peut être mal interprétée, la conception de la laïcité n’est pas perçue de la même façon que chez les occidentaux, elle est même comprise comme un principe contre la religion. « Pour la population arabe, la laïcité est comprise différemment : nous ne sommes pas contre l’Islam, nous sommes contre l’Islam politique. »
Pour ce qui est de la charia’a, Alaa El Aswany, a affirmé que les principes de la charia’a ne sont pas différents des « principes d’humanité (ou des droits de l’homme). Le problème n’est pas la charia’a, le problème réside dans l’« interprétation des principes de la charia’a ». « La charia’a signifiait principalement assurer l’égalité pour tous. C’est pourquoi il est nécessaire de redéfinir le principe de la laïcité, et si la laïcité signifie ne pas octroyer le pouvoir au nom d’aucune religion, dans ce sens l’Egypte a toujours été laïque et cela depuis Mohamed Ali », a-t-il indiqué.
La crainte d’Alaa El Aswany réside tout de même dans l’idéologie wahhabite, qui « est dangereuse pour les Egyptiens ». Mais face à ce danger, l’écrivain égyptien demeure très optimiste.
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